Ce 5ème jour sur la croisette était celui des embrassades. De belles embrassades, tendres et fraternelles.
Pas tant d’embrassade de ma part cela dit pour le film de Nicole Garcia, présenté en compétition officielle. Mal de Pierres met en scène Marion Cotillard et Louis Garrel (de quoi me réjouir, oui je parle de Louis) de prime abord. C’est sans compter sur la mollesse du film qui, si j’osais le jeu de mot léger, m’a laissé de marbre.
Je n’ai rien ressenti face à ce mélo historico-dramatique qui nous conte l’histoire d’une femme assujettie à un mariage arrangé par sa mère qui va tomber follement amoureuse d’un homme (Garrel) rencontré furtivement lors d’un séjour en cure. Sujet cinématographique par excellence s’il en est, mais traité de façon si ce n’est superficielle (je n’oserais dire cela) mais plate. Rien ne m’a atteint si ce n’est la scène finale qui évoque la possibilité d’un futur, d’un avenir. Léger. Déception.
Grandes embrassades, filiales, dans la suite de mon parcours cannois. Le film allemand en compétition Toni Erdmann est un pur délice. Je ne connaissais rien de la réal (nouvelle vague allemande), ni des acteurs, encore moins de l’histoire. Ce film « fleuve » de 2h42 m’a enchanté. Il évoque les relations entre un père haut en couleurs, écolo et retraité et sa fille jeune cadre dynamique, carriériste et disons le, paumée affectivement parlant. Sa vie ne compte qu’une succession de jours cadencés par son boulot et des relations pseudo amicales et amoureuses de surface. Pas de nuance, une vie de robot remise en question d’ailleurs par son père qui lui demande si elle est un être humain. Elle incarne le symptôme d’une société qui ne doit jamais s’arrêter au point de caler et ne plus jamais redémarrer lorsque son père incarne la joie de vivre primaire et l’insouciance infantile (l’envie de se déguiser, de faire des jeux de rôle…) qui ne devrait jamais nous quitter.
Choc des cultures. Choc des générations mais véritable « retrouvailles » humaines que celle de ces deux là qui ne se sont plus parlé depuis des lustres. Les 2h42 passent comme un éclair, le film aurait pu durer 5 heures de plus, je n’aurais pas quitté mon siège (pour aller faire pipi tout de même sans doute). C’est humain, tendre, vrai et passionné. Le duo d’acteurs colle à la perfection et distillent une grande sensibilité. La réalisatrice nous permet de passer du rire aux larmes avec brio. Sous ses airs de comédie, le film rend véritablement hommage à cette relation tendre et complexe qui est celle d’un père et de sa fille et, plus largement, au choc des générations. Il vient nous rappeler l’importance de la transmission et de l’échange, l’importance de l’ancrage familial et de ces relations d’amour filiales qui, même si elles sont innées, demandent à être construites, suivies et enrichies avec le temps. Du beau. Coup de cœur palmesque.
Pas de pause, juste le temps de retrouver la file pour le tour de France d’un réal que je suis de près, starring notre grand Gérard Depardieu. Après une introduction faite par le réal et l’équipe du film et par Gérard qui a quelque peu monopolisé la parole pour nous laisser avec un discours à la fois touchant, déroutant, insistant et revendicateur – comme il en a le secret – le film a débuté avec les commentaires de Gégé resté dans la salle (avec l’équipe du film) pour (re)voir le film avec nous. Quel sacré numéro !
Ce film, lui aussi évoque le rapprochement filial, cette fois, entre un entrepreneur n’ayant pas avalé la conversion à l’islam de son fils et un jeune rappeur de banlieue. Rien de caricatural dans ce film bien au contraire. C’est sur les routes de France que ces deux là vont apprendre à s’apprivoiser, à se parler, à se comprendre et à réaliser qu’ils sont chacun un digne représentant du pays des lumières et de la fraternité. La réalisation est belle et elliptique, jamais lourde ni caricaturale et encore moins bling ou racoleuse. Tout dans ce film est au contraire d’une très grande délicatesse. Gérard parvient encore à nous étonner tant par cette scène durant laquelle il se met à rapper que par sa façon de laisser toute la place à ce jeune acteur débutant qui ne se démonte jamais face au « monstre sacré » du cinéma français. Ce duo fonctionnement parfaitement bien et m’a touché en plein cœur. C’est cette France là que l’on veut voir au cinéma et dehors. Cette France métissée, multiple, qui s’enrichit dans l’échange, dans le rire, l’humour et l’entraide. Ce peut sembler cliché mais plus que jamais, à l’heure où les extrêmes sont de retour à nos portes électorales, nous avons besoin de ce genre de message chaleureux, humain et positif.
Embrassades nourries, tendres et très humaines.