AMHA (A Mon Humble Avis)

La déchéance d’une espèce

Posted by adminBarbara

Il avait déjà amorcé le traitement de son propos dans son précédent opus Cosmopolis. Il est clair que David Cronenberg ne se contente plus d’évoquer le sujet dans Maps to the stars. Il y va franco. Son but unique est la dénonciation d’un monde, plus qu’en perte de vitesse, en voix d’extinction.

Ce monde c’est Hollywood, ses studios de cinéma, ses acteurs, ses actrices, ses stars, ses hommes, ses femmes… Toute cette mini société abîmée jusque dans le moindre recoin de son existence.

Oui, c’est certain, Cronenberg n’y va pas de main morte. Il dresse ici un portrait au vitriol de ce monde consanguin, malsain, puant, sale et démoli.

Les personnages du film sont tous torturés et incarnent, chacun, le pire de ce qui est montré comme étant L’endroit glamour par excellence. Sauf qu’ici, le réalisateur montre l’autre face de cette infâme fourmilière.

Une actrice cinquantenaire en quête d’un rôle joué autrefois par sa mêre (Julliane Moore, prix d’interprétation à Cannes pour ce rôle justement), est bluffante et parvient à se jouer des codes du paraitre et de l’apparence propres à Hollywood et au monde du cinéma. Un père de famille psychopathe marié à sa propre soeur tous deux parents de jeunes ados, si ce n’est psychopathes eux mêmes, torturés et détruits par l’environnement malsain au sein duquel ils évoluent depuis leur plus tendre enfance. Et puis ce jeune chauffeur (Bob Patinson) qui cottoie ce monde alléchant et rêve d’y mettre les deux pieds… A quel prix !

Oui c’est bel et bien un enfer qui est dépeint ici et il n’y a rien de positif qui en ressorte. Il est clair que seule la mort pourrait les délivrer de l’enfer dans lequel ils se trouvent. Oui, c’est à ce point là.

Le réal appuie là où ça fait mal et ne montre que vulgarité, recherche désespérée du pouvoir et de l’argent. C’est bien clair, il n’y a aucune, pas même une once de moralité. Le but est d’accéder au pouvoir et tous les moyens sont bons. On se débarrasse des encombrants et on prend la place des morts…

Nous sommes au coeur d’un monde où l’on peut avoir tout vécu, tout raflé, tout obtenu à l’âge de treize ans. Ce « tout » n’étant autre chose que l’argent et le pseudo pouvoir qui va de pair – autrement dit, pas grand chose qui en vaille vraiment la peine.

Seul lueur d’espoir, ce poème de Paul Eluard joliment traduit en anglais qui évoque la recherche à tout prix de cette valeur et notion qui, semble t-il, serait la vraie maitresse de nos vies et de notre bien être : la liberté.

Une vraie réflexion sur notre monde moderne, à la fois tellement grandiose et tellement pathétique.

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Liberté

Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable de neige
J’écris ton nom

Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom

Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom

Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom

Sur chaque bouffées d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom

Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes raisons réunies
J’écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attendries
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom

Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté

Paul Eluard, Poésies et vérités, 1942

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