Disons le, cette cour d’immeuble est en quelque sorte une pseudo cour des miracles qui abrite des gens tous plus névrosés les uns que les autres. Mais la névrose n’induit pas forcément la morosité et cette cour haute en couleur vient nous le prouver.
Antoine, artiste dépressif et en manque de sommeil décide de tout lâcher et accepte un poste de gardien qui le conduit donc au sein même de cet immeuble dans lequel habite Mathilde, jeune retraitée, perdue, qui tente de combler les manques de son existence dans l’activité que lui procure l’asso dont elle fait partie.
De petites névroses en grand trouble psychologique, ces deux là vont se rapprocher et s’apporter mutuellement. Vous le savez, vous l’aurez peut-être noté au travers de mes divers articles, c’est là tout ce qui me plait dans la vie mais aussi, au cinéma. Le partage, l’entraide et la force puisée au coeur même d’une conversation, d’une nouvelle rencontre.
La solitude est perçue comme étant l’ancrage de la douleur, de la peine et de la souffrance tandis que le groupe, l’échange et le partage sont la clé de toute avancée. C’est là, à mon sens, ce que vient révéler ce film, d’une grande qualité.
Après plusieurs films décevants (voir mes précédentes chroniques) je retrouve enfin le chemin d’un cinéma simple mais fouillé, qui vient toucher du doigt l’âme humaine. Surprenant et plaisant.
Surtout que les acteurs sont sublimes. Kervern (au même titre qu’un Poelvoorde) me touche au plus haut point avec cet aspect « très ours » auquel se mêle une douleur profonde et une douceur certaine. Derrière ce côté « revenu de tout », désaxé et perdu, se cache le coeur d’un vrai gentil, d’un homme bon.
Catherine Deneuve, dont on parle beaucoup ces derniers temps, vient prouver qu’elle a tant raison de ne pas vouloir s’arrêter (elle précisait dans une récente interview ne pas vouloir prendre « sa retraite »). Elle est sublime de douceur, de dérision, de profondeur. Dans ses yeux et dans ses moues, sont toujours présents les stigmates de l’enfance, et c’est tellement surprenant ! Elle incarne cette Mathilde avec une force et une justesse assez incroyables.
Pio Marmai en « jeune entrepreneur » toxico est également très juste et touchant. Lui sa névrose, ce sont les vélos… Chacun son truc !
L’ironie tient une place prépondérante dans ce film. L’ironie en fait je ne sais pas, car jamais le réal (Pierre Salvadori) ne vient poser un regard moqueur sur les petits travers de ses personnages, mais ce qui est certain c’est qu’il manie habilement le rire et l’émotion qui se font échos tout au long du film. C’est là, la force du film justement.
Là où d’autres auraient plombé l’ambiance en traitant le sujet frontalement (la dépression disons le clairement), Salvadori nous permet de relativiser au travers du rire, puissant et sans complexe.
Si la dernière partie du film est un peu plus difficile car triste, le final utilisant la voix off de Catherine Deneuve m’a pris par les tripes. Il exprime l’incroyable force de vie qui siège au fond de chacun d’entre nous et qui permet de se relever de la douleur.
Juste et brillant.