Dans un futur proche où l’homme est certes, toujours au centre de « la grande machine de la vie », les machines justement et autres systèmes informatiques imposent leur règne.
Cela nous parle en ce sens où cette technologie ne semble être que l’étape suivante de celle au sein de laquelle nous nous trouvons actuellement. Nous ne tapons plus sur des claviers mais dictons nos mails à l’ordi qui les envoie ensuite au destinataire choisi, les jeux vidéos n’ont plus besoin de manettes, seules nos mains reliées à des capteurs sont utiles pour donner vie aux personnages choisis et j’en passe… rien de vraiment révolutionnaire : il s’agit bel et bien de la suite du chemin technologique emprunté.
Seulement voilà, le film ne s’arrête pas à cette vision là. Il se focalise sur les sentiments humains et pose la question de l’immatérialité de l’amour.
Car oui, Theodore, une sorte d’écrivain public des temps modernes : il rédige des lettres pour des tierces personnes, se procure le nouvel objet à la mode : un OS (système d’exploitation, oui bon ok il faut être un peu geek pour tout suivre !) qui prend en charge la gestion de toutes ses affaires : ses mails, ses rv, son planning etc. Cet OS a la voix de Scarlett Johannson (ce qui d’ailleurs est peut être dommage car cela ne nous permet pas de faire travailler notre imaginaire pour visualiser à quoi pourrait ressembler cette mystérieuse « femme OS ») et a la capacité de s’auto « alimenter » : comprenez qu’il s’agit d’un ordinateur intelligent qui peut tenir une conversation et avoir, en clair, le même comportement qu’un humain.
De cette soudaine intrusion dans son quotidien, va naître une complicité qui donnera lieu à une intimité puis à une relation amoureuse entre Théodore et son OS. Cela peut prêter à rire dit comme ça mais le réal a trouvé un positionnement tout à fait clair et son point de vue est totalement maîtrisé.
La question est posée : est-il possible et vivable de tomber amoureux d’une voix, d’un prénom, d’une chose immatérielle ?
Le film pourrait rester à ce stade de la réflexion – et serait donc fort théorique (et m’aurait donc beaucoup moins plu, moi la cartésienne !) mais il ancre cette idée dans les réalités de notre société.
Quid de ces rencontres à distance, géolocalisées et j’en passe ? De la recherche d’une jouissance physique éclair via les « chats » (le film aborde le sujet de façon légère et fun). Non pas que les codes de l’amour aient foncièrement changés, je déteste ce discours qui dirait que « tout était mieux avant » il faut dire que notre société offre son lot d’expériences nouvelles et aussi… de déconvenues. Le fameux mystère de l’amour réside alors sans doute dans le fait qu’il soit à la fois tellement immatériel et matériel – au sens propre, du fait de matérialiser la relation, la rendre concrète et vivante. Le film montre également les pendants de cette société tellement connectée mais aussi, tellement solitaire…
L’amour, le sentiment amoureux lui, reste le même : tous les témoignages se recoupent pour dire qu’il s’agit là d’une chose tout à fait inexplicable, qui se ressent.
A ce titre le personnage joué par Amy Adams en donne la parfaite définition : ne faudrait-il pas être un peu fou pour aimer véritablement ? L’histoire de son couple incarne d’ailleurs parfaitement la dualité totale et imparfaite de l’amour et de l’idée du couple / de la vie quotidienne.
A l’heure où le tout numérique est là, que la 4G envahit nos vie – oui il faut que tout aille vite, toujours plus vite, mais pourquoi d’ailleurs ? Que nous soyons toujours plus connectés et bien évidemment : toujours joignables… ce joli film pose la question de la possibilité d’une nouvelle forme d’amour : un amour « cérébral » qui se vivrait à distance, où des couples partageraient une intimité et un quotidien sans jamais se toucher ni même se croiser mais en vivant au travers d’écrans interposés.
Je ne sais pas pour vous, mais cela résonne en moi comme étant à la fois si loin et si proche. Si parfaitement inimaginable et si imparfaitement réalisable. Si l’on y regarde de plus près, tout ceci existe déjà et ce n’est même pas une question de « société du tout numérique ». J’imagine que les couples séparés par les guerres au début du siècle dernier retrouvaient le piment de leur amour au travers des quelques lettres échangées. Aujourd’hui, à l’image de notre société, il est question des quelques poignées de textos échangés chaque jour pour dire à l’Autre, aux autres que nous les aimons et que nous pensons à eux (voir plus, après c’est selon !)
La technologie nous offre ainsi cette possibilité de « toujours plus » et c’est tout à fait pertinent. C’est là le sens de l’évolution. Cela dit, à certains niveaux et à celui des relations humaines et de l’Amour, il semble que l’Homme n’ai pas besoin de beaucoup plus que de bras serrés autour de la personne chérie, d’un geste tendre, d’un baiser ou d’une caresse. L’humain serait il tellement rétrograde au fond ?!