Une fois de plus je réalise à quel point les idées arrêtées peuvent être ridicules, voire même nocives.
Pour deux raisons, je m’étais mise en tête de ne pas aller voir 12 years a slave. Déjà parce que ce sujet, maintes fois traité au cinéma (quoique pas tant que ça mais j’avais cette impression après avoir vu Django, Le Majordome…) me met dans des états pas possibles. Etre émue au cinéma est une chose, être bouleversée en est une autre. Et puis aussi parce que tout le monde en parlait. Ca doit être mon côté un peu cinéphile rebelle ça, je n’aime pas trop qu’on me dicte mes choix et savoir qu’il s’agissait là DU film à voir (cf moultes nominations aux Oscar et j’en passe) me donnait envie de passer mon tour.
Mais ça, c’était sans compter sur les relances multiples d’une amie qui a fini par me convaincre qu’il serait dommage et presque bête de manquer ce film. Grand bien lui en a fait. J’allais passer à côté de quelque chose.
Alors oui, certes ce à quoi je m’attendais arriva. Le propos est dur, âpre et le réalisateur ne nous épargne pas – et pourquoi le ferait-il d’ailleurs ? L’émotion et les larmes furent au rendez-vous, mais pour la bonne cause, je le dis sans ciller.
Ce film est le meilleur que j’ai vu sur le sujet de l’esclavage – oui il y avait Django, c’est vrai, qui nous offrait cette merveilleuse revanche sur la haine et la barbarie – mais 12 years a slave réussit à nous mettre face à cette réalité hors norme, face à cette société anéantie par la haine et le profit de l’autre. Et cela résonne en nous. Vraiment.
Car oui, le film aborde une question, jamais posée avant à mon sens, (dites moi si je me trompe) qui est de savoir quel était si ce n’est la vision des blancs face à l’absurdité de cette société coloniale, leur ressenti.
Que peut-on ressentir au plus profond de soi – en tant qu’Humain – lorsque l’on a sous sa coupe un autre humain certes présenté comme étant un sous homme ? Et ce, même si la loi nous y autorise.
Formulée autrement, ma question reste la même : peut-on réellement trouver du plaisir dans la possession d’un de nos semblables ?
Forcément, la question est plus profonde et le film vise juste en montrant ces propriétaires blancs tous plus immondes de bêtise, de beaufisme, de puanteur physique et morale les uns que les autres.
Très certainement, le fait de posséder un nègre ne semble pas les épanouir plus que ça.
Oui, la haine de l’autre, la méprise de ses semblables et l’ignorance rendent moche, et mauvais, et stupides.
A ce titre, Michael Fassbender excelle dans le rôle de ce propriétaire terrien sans foi ni loi. Il faut jouer ce type de rôle. Il faut accepter de s’enlaidir moralement à ce point. C’est un vrai engagement d’acteur à ce point là.
Lupita, qui depuis sa prestation foule les tapis rouges et les émissions de télé du monde entier fait en effet une entrée remarquée dans le monde du 7ème art. Elle a un physique, une douceur à laquelle se mêle une sacrée force. Je lui souhaite de poursuivre et de trouver des rôles à sa mesure.
La musique joue un rôle majeur : ces sons graves, ces basses résonnent en nous comme la lutte contre le désespoir menée par cet homme. La réalisation est parfaitement maîtrisée. Les plans sont longs, en remettent « une couche » là où ça fait mal mais cela se fait au service du sujet – qu’il ne faut jamais minimiser – et au service du cinéma – qu’il ne faudrait jamais minimiser non plus d’ailleurs.
Oui, je pense que 12 years a slave montre l’esclavage tel qu’il a été : avec sa dimension dévastatrice. En ce sens, le film remporte son pari. Celui d’éduquer les foules sur un sujet que beaucoup considèrent comme faisant partie de l’Histoire. Certes, il n’existe sans doute plus tel quel mais aux quatre coins du Monde, des gens se servent toujours de leur petit pouvoir pour avoir une ascendance sur leurs congénères. La pire chose qui soit.
Merci à Steve Mc Queen pour cette mise en lumière, qui nous permet de voir, tout, sans nous aveugler.