Note à moi même : arrêter, mais vraiment, d’avoir des à priori sur les films. Oui, je vous l’avoue, c’est tout moi ça. Un titre qui ne m’emballe pas, un réalisateur que je ne connais pas ou trop peu et je décide de laisser tel ou tel film de côté.
Malgré une sélection cannoise, une tête d’affiche assez grandiose (oui Juliette Binoche tout de même) et un synopsis assez prometteur, je ne peux pas dire que je m’étais décidée à courir dans mon cinéma pour voir Sils Maria, le dernier film d’Olivier Assayas.
Heureusement donc que je suis de près les émissions cinéma (Le masque et la plume étant en haut du podium) et que je lis un peu la presse (quotidienne mais aussi spécialisée ciné). C’est là même que j’ai entendu parler de Sils Maria et du succès critique dont il profite actuellement.
Et puis donc cette révélation, qui n’est pas la première, mon tout premier « Cannes » m’avait permis de découvrir de belles pépites que je ne serais jamais allée voir en salle dans un cadre disons « ordinaire ».
Sils Maria c’est déjà Juliette Binoche comme je le disais plus haut… Et quelle actrice ! Elle irradie, elle incendie ce film pyramidal et abyssal.
Le pitch est le suivant. Maria Enders (Juliette Binoche) est une actrice renommée (habillée par Chanel et logée dans les plus beaux hôtels, oui une star donc) connue depuis son plus jeune âge alors qu’elle avait incarné une toute jeune femme dans une pièce à succès. 25 années plus tard, un metteur en scène lui propose de rejouer cette même pièce mais d’incarner, cette fois, l’autre rôle clé de la pièce : celui de la femme mure.
En cette période où beaucoup évoquent le film de Richard Linklater, Boyhood, tourné sur douze années (que je n’ai toujours pas vu à l’heure où j’écris ces lignes) je peux vous dire que ce Sils Maria pose la question du temps qui passe mieux que quiconque.
Ce temps parfois – souvent – assassin qui laisse les choses, les situations, la vie se faner… C’est justement ce qui est évoqué, brillamment, ici et incarné sous les traits d’une Juliette Binoche, toute jeune quinqua, qui vient nous prouver qu’elle n’est nullement sur le point de renoncer à quoi que ce soit et encore moins au plaisir de jouer. Le mot jouer ayant ici une double connotation. On sent que, chez elle, le fait de jouer évoque à la fois la mise en pratique de son métier d’actrice – elle joue, elle incarne des personnages – mais avant tout, elle semble se jouer des codes du cinéma, de « l’acting » et de toutes les fioritures qui entourent ce milieu à la fois tellement fort, humain et poétique et malsain, creux et vicieux. La caméra semble elle, vouloir lui dire, qu’elle la suivra partout et tout le temps, quel que soient ses choix futurs.
Ce Sils Maria assez grandiose vient nous conter tout cela via une mise en abîme parfaitement maîtrisée qui nous montre la relation entre l’actrice et son assistante (très juste et vibrante également Kristen Stewart) qui lui fait répéter son texte faire étrangement écho à la relation instaurée entre les deux femmes (la jeune et la fameuse femme mure) de la pièce. Le tout dans un cadre montagneux qui semble vouloir nous dire le lien entre la nature et l’Homme. Ce lien fort et ancré qui lie les sentiments humains aux caprices de la nature.
C’est brillant, rafraichissant et profond. Un vrai cinéma en quelque sorte !