Voilà que le festival a refermé ses portes, a ôté son tapis rouge. Fin de projection, on remballe le matériel. Rendez-vous est pris en mai 2019. On a le temps d’en voir des films d’ici là, d’en avoir des émotions.
Mais restons encore un peu si vous le voulez bien dans l’univers cannois, cette bulle opaque qui se suffit à elle même mais toujours, pourtant, tellement ouverte sur le monde. Voilà donc bien un endroit sur Terre où il est possible de découvrir l’autre dans son univers, dans ses habitudes, dans ses contradictions parfois, dans sa vérité en tout cas. Ici plus que nulle part ailleurs, il semble que le monde entier parle une seule et même langue, cette du cinéma, ce moyen d’expression universel qui unit tout un chacun. C’est bel et bien ce qui m’a frappé cette année. J’ai en tout cas appréhendé ce qui fut mon 6ème Cannes sans grandes attentes. Je dois dire que l’annonce de la sélection ne m’avait déjà pas emballée plus que ça (pas de Jacques Audiard, pas de Dolan) et puis ces noms nouveaux pour certains, qui ne me parlaient pas vraiment. J’ai beaucoup lu que cette édition était celle du changement, du renouveau, elle le fut à ce niveau là pour moi. C’est donc nullement blasée mais sans une excitation majeure que j’ai entamé ce festival.
Et puis comme à chaque fois, la magie a opéré. Le cinéma m’a parlé. Qu’il soit d’ici (au bémol près que les films français – EN GUERRE mis à part – m’ont grandement déçus) ou d’ailleurs, j’ai tant aimé y voir la pâte d’un metteur en scène, la force d’un propos, les saveurs de l’amour, la colère d’une situation injuste et tous ces sentiments les plus forts qui marquent et jalonnent la vie, nos sociétés, le monde. Je trouve passionnant de voir, que l’on vienne du fin fond de la chine, de l’Amérique, de la France ou de l’Italie, ou encore de la Corée, que l’Homme cherche encore et toujours à faire vivre la justice, le respect de soi et de l’autre… De voir que l’amour est un sentiment noble, digne d’être noble et qu’il ne devrait jamais être fourvoyé… De voir que les enfants des 4 coins du monde ne demandent rien d’autre que de la protection, de l’affection et le regard bienveillant d’adultes posé sur eux.
Le cinéma nous montre que nous sommes tous sur un pied d’égalité en ce sens où nos attentes sont peu ou proue les mêmes : ce besoin d’attention, d’amour, de respect, de protection, se besoin de pouvoir s’exprimer.
Portés à l’écran, ces films variés, dans des styles parfois totalement opposés nous disent tout cela et c’est bien souvent très fort !
J’y ai vu cette belle diversité au cours de cette 71ème édition, véritable écrin de vie et de vitalité. Définitivement, voir des films me donne à vivre des temps forts et m’aide à comprendre le monde dans lequel je vis. Que j’aime ça !
Pour être tout à fait honnête et vous devez l’avoir senti si vous m’avez lu précédemment, je n’ai pas eu de coups de cœur comme celui provoqué l’an passé par 120 BPM dont je vous ai largement parlé. Rétrospectivement, je réalise même que je n’ai pas pleuré pendant ce festival. Ce qui n’est pas un manque en soi soyons en sûrs. Je sais que j’ai ri, à haute et intelligible voix ! Par l’ironie parfois indigeste de LVT, face à la loufoquerie très bien maîtrisée de Spike Lee ou encore à celle de David Robert Mitchell qui a géré de main de maître son intrigue loufoque LAesque.
Et puis il y a eu cette grande fresque chinoise qui abrite l’amour fou et impossible d’un voyou et de sa copine. La plus belle histoire (manquée ?) d’amour que j’ai vu depuis longtemps. Et puis la surprise BURNING. Son atmosphère lancinante et répétitive qui berce pour finalement nous cueillir avec cette scène finale grandiose. Et la découverte d’un nouveau cinéma puissant et elliptique où l’intrigue se passe hors champs. Une nouveauté pour moi et tant de questions qui subsistent en moi au moment où j’écris ces ligne. Ce film dont le beauté plastique m’a été livrée (certains plans sont incrustés dans ma rétine) et cette histoire à terminer, à comprendre, jauger… C’est fascinant et ma plus belle expérience de cinéma depuis bien longtemps. Une erreur monumentale que de ne l’avoir pas palmé.
C’est donc pour poursuivre un peu l’aventure cannoise que je suis allée voir AIMER PLAIRE ET COURIR VITE (en compétition officielle et déjà en salles). Signé Christophe Honoré, ce film m’a totalement laissée sur le bord de la route (enfin, dans la salle du Cinéma Actes Sud tout de même !)
Si je reconnais le talent de Vincent Lacoste qui m’a épaté dans le rôle de cet étudiant breton qui tombe amoureux de Jacques, écrivain parisien – un régal de le voir dans cet autre registre et passer, enfin, à l’âge adulte – je reproche un peu au réal de n’avoir jamais cherché à m’inclure dans son histoire. J’ai certes été « invitée » à partager ces moments et j’en garde notamment 2, divins : celui de la rencontre au cinéma et celle « du rv donné devant le théâtre à 23h » qui mêle avec brio humour et délicatesse, mais je me suis toujours sentie mise à part. En cela, trop rien dans leur histoire et dans leur vie ne m’a touché. Pour ceux qui ont comparé le film à 120 BPM, une preuve s’il en faut de leur erreur tant 120 BPM m’avait embarqué ! J’étais avec eux aux AG, avec eux dans leur combat, avec eux jusqu’à cet éparpillement « rebelle » des cendres…Rien de semblable ici.
Reste le talent des deux comédiens (3 avec Denis Podalydès parfait en ami proche). Pierre Deladonchamps, amateur de ce type de rôles complexes car torturés incarne avec brio la douleur de devoir partir trop tôt, trop vite. Quant à Vincent Lacoste il m’a surprise avec cette candeur à laquelle se mêle une légère provocation puérile. Comme cette envie de crier au monde sa singularité. Un duo parfaitement calibré.
C’est ainsi que je referme cet album cannois 2018. Qu’il est riche !