A l’image de son nom, Mud est boueux et patauge pas mal dans la gadoue. Mud n’est pas un clochard mais un vagabond solitaire, il tient à cette différence.
Mud vit en liberté mais n’est pas libre, c’est à mon sens le maître mot de ce film sublime et lumineux.
Dans notre société dictée par des lois, des règles et des dictacts il est facile de penser qu’une vie privée de tout cela donne forcément lieu à une liberté totale. Mud vient nous prouver que la liberté n’est pas une question de statut social mais bel et bien une question d’état d’esprit.
Mud vit reclu dans la forêt par peur de représailles policières. J’emploie volontairement le mot « peur » car on apprend bien vite que derrière ses faux airs de vieux baroudeurs, Mud est bien éloigné du cliché du héros / aventurier sans peur et sans reproche.
Mud est terrassé par les remords, par la honte sans doute, de ne pouvoir vivre sa vie comme il l’entendait, de ne pouvoir / n’avoir pu combler la femme qu’il aime depuis qu’il est adolescent. Cette femme qui, malgré les sentiments qu’elle lui porte en retour, n’a jamais eu envie d’être réellement avec lui, de s’engager.
Brisé par ce sentiment d’abandon et de délaissement, il comble cet amour inconditionnel qu’il lui porte en volant à son secours dès qu’elle se met dans le pétrin. L’histoire d’amour impossible par excellence. C’est à ce titre qu’il a tué un homme qui voulait du mal à Juniper et que la police / les chasseurs de prime sont à ses trousses.
Mais Mud ne respire que grâce à elle. Elle c’est Juniper, une barbie du Sud fragile et paumée qui s’est fait tatouer un rossignol, symbole de légèreté et de liberté, sur la main. Comme pour se rappeler ce besoin de voler un jour de ses propres ailes. (très touchante Reese Witherspoon)
Je n’ai pas pris l’histoire par le début en commençant par vous parler de Juniper et de Mud puisque les deux protagonistes de cette histoire sont en fait deux jeunes adolescents, Ellis et Neckbone, en quête de découvertes et d’aventure qui débarquent un jour sur l’île sur laquelle Mud vit reclu. De là va naitre une réelle complicité qui leur permettra à tous de changer de statut et de passer à l’âge Adulte avec tout ce que cela implique.
Avec ce film, nous sommes de retour dans le Bayou (non loin de là où nous avions laissé la petite Hushpuppy et ses bêtes du Sud Sauvage) et je peux vous dire que je suis définitivement éblouie par ce décor, par l’atmosphère dure mais douce qui s’en dégage. Ces paysages grandioses me bouleversent tant ils sont synonymes de rudesse (la vie y est plus que rudimentaire) et d’opportunités (la grandiosité des lieux, à commencer par celle du Mississipi donnent ce sentiment que tout est possible).
Le Mississipi qui joue d’ailleurs un rôle clé dans ce film puisqu’il est le fils conducteur entre les jeunes ado et Mud qui ne cessent de faire des allers retours entre l’île et leur maison respective. Le film également est à l’image du Mississipi : calme et énergique à la fois, cachant des « monstres » hostiles (les serpents tueurs dans l’eau et les « méchants » du film)
Après Take Shelter qui avait été un de mes premiers chocs ciné de 2012, Jeff Nichols prouve qu’il sait donner vie à ses personnages et à la nature qui les entourent : le propre d’un grand réalisateur à mon sens. Il réussit également le pari de me faire apprécier Matthew Mac Conaughey : peut-être l’acteur que j’ai le plus détesté au monde. Ne me demandez pas pourquoi, il m’insupportait. Et bien là, petit miracle, il m’a bluffée, attendrie même : il a clairement enfin trouvé un rôle à sa hauteur et prouve qu’il est un bon acteur. Michael Shannon (personnage central de Take Shelter) est très bon dans le rôle de cet oncle beauf et maladroit mais aimant. Sam Shepard excelle en vieux loup expert de la gachette nocture.
Vous l’aurez compris, ce film : entre aventure, amour et action, est une allégorie de la vie, du passage à l’âge adulte qui vient montrer que la vie est une question de prises de décisions. Le but final étant de faire face, d’assumer ses responsabilités.
A ce titre, le rôle du jeune Ellis est « au delà du touchant » : si l’on repart du début, il ne décide et n’accepte d’aider Mud uniquement parce qu’il est convaincu de l’amour de Mud pour Juniper, il décide alors de venir en aide à ce couple déchiré. A l’heure où ses parents sont eux, au bord du divorce, et qu’il découvre les premiers émois amoureux de l’adolescence, il semble prendre conscience du fait que l’amour est au centre de tout et qu’il donne du sens à la vie.
Et s’il a grandi et muri à la fin du film, il n’est pas le seul car il aura permis à Mud de s’extirper de ses peurs, de prendre des décisions, de mener à bien sa barque, sans mauvais jeu de mot… En clair, de Vivre, libre.
Vraiment, j’ai été comme éblouie par ce film – brut, parfoit violent, âpre mais si pur.