Le film s’ouvre sur ces 3 panneaux abandonnés longeant une route peu fréquentée. L’endroit même où la jeune Angela s’est fait violer et est morte, sept mois plus tôt.
Le visage de sa mère – plus que parfaite Frances McDormand – nous apparait alors portant sur ses traits toute la douleur mêlée à la colère dues à une affaire qui n’avance pas et pour laquelle personne ne semble plus avoir d’intérêt. On imagine aisément qu’après 7 mois, les media en ont fini de faire leurs gros titres avec cette affaire qui piétine.
Comment faire son deuil lorsque le meurtrier de sa fille court toujours ? L’envie d’en découdre est trop présente et avec elle la volonté que tous les violeurs et autres criminels soient en prison, si ce n’est morts. La volonté même de vengeance pour espérer apaiser la douleur ressentie. C’est exactement ce que dégage et exprime Frances McDormand tout au long de ce film grandement réussi qui mérite sa route vers les Oscars.
Les acteurs y sont excellents et trouvent tous leur place. Du chef de police interprété par un touchant Woody Harrelson tout en nuances et surtout un Sam Rockwell qui m’a fait perdre les pédales. Il passe avec brio du flic beauf et littéralement insuportable au personnage clé par lequel passe le dernier rebondissement du film et par la même la quasi rédemption de la mère. Un joli coup de maitre orchestré par un réal inspiré !
Les nuances du film sont grandes : le film est sombre mais marqué par des touches d’humour et de second degrès bienvenues qui permettent de dédramatiser le sujet premier du film et la douleur de cette mère courage pleine de venin et de ressources lorsqu’il est question de venger sa fille et de remuer les autorités, immobiles.
Le film se veut ancré dans un lieu unique, certes marqué par la place de la nature y occupe mais qui aurait tendance à nous enfermer dans l’atmosphère tendue de cette petite ville recluse mais dit toute la complexité d’une société américaine encore raciste, autocentrée… de la limite des pouvoirs publics et des autorités qui ne montrent en rien la richesse de l’humanité – loin s’en faut.
Toute puissance et artificialité des media, pauvreté humaine des autorités (police, Eglise)… et société décadente là est le message, fort et puissament ancré, du réal.
C’est sans compter sur cette fin qui apporte un large bémol au propos et dit la volonté de croire en l’évolution de l’être humain poussé justement par sa part d’humanité bien enfouie mais encore présente. La possibilité d’une réhumanisation.