En ce dernier jour de compétition, je pensais comptabiliser l’intégralité de mes coups de cœur ciné de ce 69ème festival (nombreux cette année). Je vous dis cela mais par ailleurs, je savais qu’il me restait à voir ELLE, 20ème film en compétition, et film que j’attendais avec impatience : Isabelle Huppert oblige et Paul Verhoeven aussi.
Paul Verhoeven c’est le réalisateur nous ayant « donné » le brillant, sensuel et vénéneux Basic Instinct devenu culte depuis disons le clairement. Paul Verhoeven c’est ce réal néerlandais ayant longuement travaillé aux États Unis et totalement imprégné de cette culture. Il a, pour ce nouveau film que l’on attendait (10 années ont passées depuis son dernier film) décidé de tourner en France, une production française, avec des acteurs français, en français : bref cocorico.
Le réal nous lire donc ce thriller musclé et si ce n’est féministe, très féminin. Mais du genre « girl power ». Les femmes, à commencer par cette Michèle incarnée par une Isabelle Huppert au top du top (mais vraiment) qui est une femme en puissance, un roc, une montagne de dignité, de force de caractère et de détermination.
Le film évoque les relations complexes qu’elle entretient avec un homme l’ayant agressée et se focalise sur ce besoin de mixer peur, danger et dangerosité pour atteindre son plaisir de femme, sa jouissance de vie. C’est très puissant et souvent extrême mais surtout drôle et enlevé. J’aime que le réal ne positionne jamais le personne d’Isabelle Huppert en tant que « représentante » des femmes. Ce n’est pas du tout le sujet. Cette Michèle réagit à sa façon à ce qui lui arrive. La focale est mise sur cette femme, rien de plus, rien de moins et le réal parvient à en décortiquer les aspérités et les contours de façon brillante.
Il n’est jamais question de malaise ni d’anormalité encore moins de perversion et j’aime cette vision très « rock », moderne et anticonformiste de la sexualité et de la féminité de ce personnage. C’est très intense et surtout, très bien présenté. La mise en scène est formidable, tout en suggestion, les acteurs sont tous très bons et l’on sent une alchimie entre eux.
Oui, ce ELLE est clairement une grande réussite – « enfin » un bon thriller français maîtrisé de À à Z diront ceux qui sont quelque peu fâchés avec le cinéma français. Quel modernisme ce Paul V (du haut de ses 77 ans), quelle rock attitude et surtout quelle maestria du cinéma de genre ! Il manie avec une grande efficacité la manipulation, les jeux de pouvoirs pour permettre à son personnage principal de se (re)construire.
Et puis, ELLE s’est aussi et surtout Isabelle Huppert (vous allez dire que j’en rajoute encore une couche) mais vraiment, elle a ce quelque chose, cette force, cette lueur en elle qui fait qu’elle est brillante, rien de moins. Je pensais avoir vu le maximum d’Isabelle H en la voyant 3 heures sur une scène (Phèdre(s) au théâtre), et pensais avoir vu les extrêmes limites ultimes de sa liberté et de son art. Loin s’en faut, elle livre avec ce nouveau rôle toute une palette d’émotions, toute une palette de regards, toute une palette de génie scénique. Franchement, c’est une rock star du cinéma capable d’électrifier chacun de ses rôles. Elle est d’une liberté folle et m’apparaît totalement comme étant l’archétype de « LA Femme » : sûre d’elle, consciente de ce qu’elle veut, de ce qu’elle ne veut pas, totalement maîtresse de sa vie, de ses choix et de ses actions. Et c’est tout cela qui transparaît dans ce rôle. Du grand art.
Le film sort en salles ce mercredi 25 mai.