Ce jeudi est le « Xavier Dolan day », comprenez que son film est présenté en compétition officielle et qu’on le veuille ou non c’est un temps fort du festival. Ça en énerve certains qui aiment détester le jeune prodige et ça en ravit d’autres qui attendent avec verve et impatience la nouvelle œuvre de celui qui nous avait offert le bouleversant Mommy.
Les premiers échos divergent. Certains crient au génie et à la palme d’or, d’autres disent leur désintérêt et leur déception pour ce nouvel opus au casting cette fois 100% français composé de Nathalie Baye (la mère), Vincent Cassel (le grand frère), Léa Seydoux (la petite sœur) et Marion Cotillard (la belle sœur et épouse de Vincent Cassel.)
Le personnage central, celui qui vit désormais loin de sa famille dysfonctionnelle et revient pour leur annoncer sa mort prochaine, c’est Gaspard Ulliel (qui me bluffe à chaque festival, il faut dire qu’entre son rôle dans le YSL de Bonello, son rôle dans La Danseuse et celui là donc, bien dirigé, il offre de très belles performances).
Avec ce « Juste la fin du monde « , Xavier Dolan frappe à nouveau. Il nous livre une œuvre brute, rugueuse et souvent âpre pour laquelle je suis totalement tombée en amour.
Il évoque et nous montre la douleur des non dits avec une force vive assez incroyable. Il met en lumière la difficulté de parler, de s’ouvrir vraiment face aux gens que l’on aime d’un amour viscéral, la famille.
Avec ce huis clos, jamais lisse, et intense à chaque instant Dolan porte à l’écran une force dramaturgique (le film est adapté d’une pièce de théâtre).
Les amoureux de Mommy apprécieront les pics de lyrisme qui évoquent les flashbacks et donnent du contexte au film. On comprend ainsi que Louis (Gaspard Ulliel) aime les hommes, qu’il est sans doute en train de mourir du SIDA et l’on imagine plus largement le départ de Louis dû à une non acception de son homosexualité par son père…
Dans ces passages, Dolan manifeste une fois de plus son usage parfait de la musique qui donne de la densité à ses propos.
Les dialogues sont riches et nous placent directement au sein de cette famille qui ne peut se parler sans se gueuler dessus. On se dit « je t’aime » en se lançant une vacherie. C’est pourquoi la scène (que vous connaissez sans doute car elle fait partie des deux extraits partagés sur internet juste avant le début du Festival, où la mère et Louis sont seuls dans un recoin de la maison est si forte car, fait rare, le ton est calme, empli de tendresse et de douceur et la mère a ces mots magnifiques qui m’ont beaucoup touchés « je ne te comprends pas mais je t’aime » : quelle plus belle déclaration d’amour d’une mère à son fils que celle là ?
Il est donc clair que Dolan parvient à imbriquer lyrisme et âpreté d’une façon vraiment intense.
Sa direction d’acteurs est superbe. Il l’aime sa troupe d’acteurs français et ça se voit.
En fan de Titanic (Xavier a largement participé à me décomplexer de mes lacunes cinématographiques classiques en osant clamer son amour pour un film comme Titanic plutôt que pour des œuvres plus classiques) je ne puis qu’être sensible à son clin d’œil pour ce film !
Enfin, il n’a de pareil pour évoquer – là encore sous la forme d’un flashback – les réminiscences du passé et de l’enfance révolue. De ces sensations passées qui ne nous quittent pas : les odeurs, les bruits, les anecdotes, les habitudes d’antan…
Faire preuve d’une telle maturité technique et la faire s’entremêler avec une vraie fraîcheur de ton et de propos, je trouve que c’est là, la patte de Dolan que j’associe totalement au festival de Cannes puisque c’est ici que je l’ai découvert avec son chef d’œuvre Laurence Anyways en 2012, lors de mon premier Cannes. 4 ans plus tard, c’est avec autant d’émotion que j’ai réceptionné son nouveau film qu’il dit être « son meilleur ».
Cette nouvelle journée cinéphile s’est terminée par la projection des films de clôture (et oui on parle déjà de clôture) de La Semaine de la critique, j’ai nommé les tout premiers courts métrages de Sandrine Kiberlain de Chloé Sevigny et Laetitia Casta, toutes passées donc de l’autre côté de la caméra.
Si la première listée, que j’aime par ailleurs beaucoup en temps qu’actrice, marque des points avec son « Bonne figure » mettant en scène une Chiara Mastroianni intemporelle, actrice de son état, belle et esseulée, Chloé S et Laetitia Casta ne m’ont pas bouleversées avec, respectivement cette histoire de fillette se transformant en chat (clairement un sujet pour Mouloud Achour qui prône son amour pour les canins) « Kitty », et le « en moi » de Laetitia qui évoque les névroses d’un réal perdu dans les méandres de son métier et de son art.
C’est tout de même avec beaucoup de plaisir que j’ai découvert leurs premiers pas de réalisatrices.
paule
Je cours au ciné… mais au fait il sort quand ? Merci pour ton écriture Barbara et bonne fin de festival de Cannes.
Barbara GOVAERTS
Pas encore de date prévue pour ce film (à ma connaissance) mais je ne manquerai pas de partager l’info
Barbara GOVAERTS
Il sort le 21 septembre prochain, vivement la fin de l’été (oui enfin bon !)
Paule
Ce n’est que dernièrement que j’ai eu l’occasion de voir ce magnifique film qui m’a touché au plus haut point, tellement… que je suis retournée le voir. Quel talent trouve t -on chez ces acteurs. Et cette caméra qui sublime tout : paysages, visage, émotions/pensées dans ses profondeurs humaines. Un film que je garde en moi.
Barbara GOVAERTS
je comprends ! Dolan est fort pour retranscrire à l’écran les tourments de l’âme et les non dits. C’est très cinématographique et souvent touchant.