La page blanche. C’est l’enfer et le quotidien de ce jeune homme. Ce jeune homme dont on ne saura rien de l’histoire. C’est un point intéressant ça, à mon sens, que le film nous donne ou non des informations antérieures sur le personnage, sur son passé, sa famille… Il n’en sera rien et ce, jusqu’aux dernières secondes du film. C’est tout juste si l’on en déduira qu’il vit seul dans un HLM de banlieue, qu’il paye ses factures en effectuant des missions de déménagement (lui pourtant si gringalet, si tout de même) et que son rêve est de devenir un écrivain reconnu.
Pas de passé donc, ou si terne, personne alentour. Une autre page blanche. Et plus encore que la peur de manquer de mots (la page blanche littéraire), c’est bel et bien l’angoisse de demeurer un inconnu, un « non reconnu » qui terrasse ce jeune homme. L’idée de ne rester qu’une « page blanche » du point de vue de la société lui est insupportable.
On comprend bien vite que seul compte ce qui est sur le point d’arriver. Et cet homme idéal a des ambitions – c’est d’ailleurs là le cœur du problème. Des ambitions puissantes, qui semblent résonner en lui, un idéal en clair. Un idéal qu’il atteindra quelque puissent être les embûches qui pourraient se mettre en travers de son chemin (oui, quelles qu’elles soient, je pèse mes mots…)
Ces gens à l’ambition exacerbée sont effrayants. Cet homme idéal l’est tout autant.
Il a la volonté âpre de ceux qui ne se sentent personne et qui ont l’impression d’avoir une revanche à prendre sur la société, sur le monde.
Ah cette fameuse place au soleil…
Il y a du Match Point, du Delon / Deray (La Piscine), du Hitchcock… et planent sur ce film toutes ces influences sans pour autant l’étouffer. La qualité du film tient à sa réal, précise, qui permet de faire monter la tension sans jamais la faire retomber et puis, elle tient à Pierre Niney récemment Césarisé et auteur d’une puissance telle que j’en ai eu des frissons et des quasi palpitations. Son jeu est assez extrême et si je le suis depuis plusieurs films maintenant, c’est vraiment dans ce rôle que je note l’ampleur de sa palette de jeu, la qualité et la précision des émotions qu’il transmet. Vraiment saisissant.
Les jeux de miroirs, les reflets troubles et floutés traversent le film et, s’ils sont parfois un peu trop appuyés, ont le mérite de souligner cette quête d’identité, cet enfermement inéluctable dans le mensonge et cette personnalité trouble jamais en phase ni avec elle même ni avec le monde.
Enfin, le film pose la question de la postérité. Ce qui reste alors que plus rien n’existe, la trace que l’on laisse et la perception que les autres en auront. Fut-elle une page blanche… en réalité.