Dire que Dans la maison est un film sur le manipulation serait réducteur. Basé sur une ambiguité constante, le film est en réalité une réflexion sur la création, sur le désir, sur la jalousie, sur l’ambiguité, sur la perversité et sur la solitude.
Le pitch est simple sur le papier : un prof de français demande à ses élèves de raconter leur week end sous forme de rédaction. Le devoir rendu par un élève appelé Claude va retenir son attention et susciter sa curiosité. Claude raconte son week end passé au sein d’une famille « normale » de la classe moyenne.
Claude est un élève nouvellement arrivé au Lycée Flaubert, qui semble avoir du mal à trouver sa place (même si sa place physique est toute trouvée : il s’assoit toujours au dernier rang comme pour avoir une vue d’ensemble sur sa classe), mais qui se différencie des autres élèves (apprenants) par de nombreux points malgré l’uniformisation imposée par les nouvelles réformes de l’éducation nationale (l’uniforme est l’unique tenue exigée dans le lycée afin de, soit-disant, gommer les différences sociales.)
Claude et Germain travaillent sur leur roman
Les différences sociales justement, semblent être au coeur de cette histoire qui vient nous conter le quotidien de 2 couples comme unis par deux adolescents : l’un au caractère presque inscipide (Rapha(el)) et l’autre, au comportement troublant et génant : Claude.
Claude rôde autour de la famille normale
La dualité est au coeur du film : le couple qui vient symboliser l’union de deux personnes indissociables (les parents de Rapha : un couple tellement uni que rien ne semble pouvoir les séparer) et le couple formé par Germain et Jeanne (Fabrice Luchini : parfait en « maître » des mots et Kristin Scott Thomas) bien moins fort et insubmersible qu’il n’y parait. Derrière une apparente complicité : Germain semble tout partager avec sa femme, on sent bien, au fur et à mesure que le film / l’histoire défile, que leur couple se délite pour finalement arriver à une issue fatale.
Derrière une apparente complicité, l’ennui…
La dualité est également exprimée au travers de cette « amitié » entre Rapha et Claude mais aussi par les jumelles (courte apparition réjouissante de Yolande Moreau), par l’identité du prof : Germain Germain et par le prénom identique du père et du fils (Rapha).
Le film raconte ainsi la relation naissante entre ce prof de français, frustré et écrivain raté qui va devenir en quelque sorte le pygmalion de ce jeune élève doué pour les mots et la littérature. Mais plus que cela, le film / le réalisateur / Claude (les pistes sont évidemment brouillées) vont nous emmener dans une drôle de situation où se mêlent curiosité maladive et voyeurisme.
Germain est désormais prisonnier des fanstasmes de Claude
C’est au travers de cette mise en abyme parfaitement orchestrée que François Ozon, le réalisateur, réussit un coup de maître. Il nous place au même niveau que Germain Germain pour ainsi nous manipuler, faire de nous des pantins avides de la découverte des petits travers de nos voisins.
Thématique de grande actualité me direz-vous à l’heure où l’on s’expose sur la toile comme pour mieux attirer l’attention de nos comparses. Point de narcissisme chez les Rapha, famille simple et heureuse dans leur maison située face au parc, mais c’est justement cela qui va attiser la curiosité de Claude : pourquoi ces gens sont-ils si simples ? Pourquoi restent-ils à leur place ? Pourquoi ne font-ils pas de vague ? C’est justement ce comportement trop lisse, trop doux et trop neutre qui va attirer le jeune Claude.
Le film est basé sur les mots, sur l’importance qu’ils tiennent et sur leur force. Ainsi, lorsque Claude termine sa première rédaction par « à suivre », il a déjà conquis la curiosité de son lecteur qui devient dès lors comme dépendant de l’écrivain.
Egalement, le film vient nous montrer la force nécessaire pour toute création : Claude (et son regard si féroce le prouve, je vous assure avoir eu mal eu ventre à plusieurs reprises tant son regard m’était insoutenable : excellent jeu d’acteur) a en lui une telle souffrance génératrice d’une force sans pareil qu’il va parvenir à aller au bout de son histoire au péril de son lecteur, qui lui, n’en sortira pas indemne.
Enfin, on reconnait la touche de François Ozon qui aime mêler les genres : cinéma et théatre et ainsi valoriser son amour pour les mots, les dialogues et la mise en scène.
Je retiendrai ainsi cette opposition entre la scène d’introduction qui nous présente un Germain Germain seul dans le hall du lycée et la scène finale qui nous place, aux côtés de Germain et de Claude, face à une mutitude de familles unies au sein de cette barre d’immeubles.
La vie est présente, elle est là, à portée de main… de quoi en ressortir de belles histoires. A suivre…