J’ai dû faire retomber la pression et laisser passer quelques jours avant de m’atteler à la rédaction de cet article. J’ai vu lundi soir, en avant première, un film brut, brûlant, excellemment interprété. J’ai vu un film qui pointe avec brio et avec une précision pointilleuse cette Amérique post crise, cette Amérique actuelle au sein de laquelle se côtoient très riches et très pauvres.
Les superlatifs sont indispensables. Nous ne sommes plus dans cette société au sein de laquelle il était possible de « vivoter », au sein de laquelle il était encore possible de se débrouiller grâce à des petits boulots qui permettaient de joindre les deux bouts, au sein de laquelle on pouvait encore compter sur son voisin pour filer un coup de main. Cette époque est révolue.
La réalité est toute autre. Dans ce monde moderne tu es soit tout en haut de la pyramide et tu te vautres dans des liasses de billets sales ou tu dors dans la rue.
99 homes, le film dont je vous parle aujourd’hui a parfaitement cerné ce fait et l’imprime sur pellicule avec une sensation extrême de réalisme.
De la toute première scène filmée en plan séquence jusque la dernière, je me demande si j’ai pensé à respirer tant la tension m’a envahie sans jamais me lâcher. C’est vous dire la force du film.
Tout au long du film nous suivons Rick Carver, un véreux de l’immobilier qui fait fortune en virant les gens de chez eux incapables de rembourser les traites (surévaluées avec les subprimes) de leur maison puis en les revendant via des moyens peu légaux mais qui s’en préoccupe ? L’Amérique est une terre de winners et personne ne viendrait oser fourrer son nez dans les affaires d’un homme dont le succès est grandissant.
La toute première scène vous arrache des larmes. On y voit Rick Carver et son équipe de gros bras – lui est en costume impeccable en toute circonstance, il ne se salit jamais les mains, à moins que ? – en train de déloger une famille à qui ils laissent tout de même dans leur grande bonté, 2 minutes histoire de récupérer leurs affaires les plus importantes. Le reste est déposé sur le trottoir. Ils ont 24 heures pour les stocker ailleurs. Bam. Le couperet tombe.
C’est cette violence sur laquelle le réal a choisi de mettre l’accent dans ce film. Cette violence des actes qui, telle une chape de plomb, n’offre aucune alternative. L’on sonne à la porte et 2 minutes plus tard tu es sur le trottoir avec tes mômes, tes plantes et tes meubles. Violence.
Le film tient toujours son fil conducteur. Les palpitations sont là pendant toute sa durée et l’on se demande comment il est possible d’en être arrivés là.
Comment cette Amérique, Terre d’accueil et Terre d’opportunités peut-elle à ce point laisser sur le bas côté ses enfants les plus démunis ?
Andrew Garfield est excellent et tout en retenue dans ce film où il est, à chaque plan, entre tension et douceur extrêmes. Il incarne excellemment bien la douleur de cet homme qui pactise avec le diable pour le bien de sa famille. Cela peut sembler très cliché mais il apporte un supplément d’âme à cet homme bon et honnête découpé entre son intégrité et son envie, lui aussi, de prendre sa part du gâteau.
Mais celui qui brille encore plus, c’est bel et bien Michael Shannon (l’immobilier véreux) qui parvient à garder cette étincelles de « saloperies » dans les yeux du début à la toute fin. On le sent comme « programmé » pour la haine. On comprendra plus tard qu’il est issu d’un milieu modeste et qu’il a choisi depuis bien longtemps son camps : celui du non droit, celui du chacun pour soi. Selon lui, être à l’image de cette Amérique, signifie forcément saigner tout le monde pour se sauver lui même. Il incarne à lui tout seul le pire de cette société individualiste basée sur le profit et le gain, seules vérités actuelles.
L’une des réussites du film tient à la relation qui s’instaure entre ces deux hommes et qui symbolise justement ces deux Amérique(s) juxtaposées que j’évoquais au début de l’article.
L’autre réussite du film est sa musique qui ensorcelle ce conte moderne et vient nous glacer le sang à moins qu’il ne se mette à bouillir, on ne sait plus trop.
L’Amérique, ce colosse aux pieds d’argile.
Ce film a été présenté au Festival de Sundance et sera présenté demain, samedi 5, au Festival du film américain de Deauville. La date de sortie sur nos écrans n’est pas encore prévue.
J’évoquerai ce film lors de ma prochaine chronique radio diffusée le 18/09 prochain sur Séance Radio.
PS : sorry mais aucune bande annonce sous titrée en Français n’est dispo.
Je vous parle également de 99 homes sur Séance Radio :
Elo
Merci pour cette découverte. Hâte que ça sorte!!! J’espère pas dans 6 mois 🙁
Barbara GOVAERTS
j’espère pas non plus. J’ai trop hâte de le revoir 😉
merci pour ta visite sur BFSC !