Le film commence avec une vie nouvelle, cet enfant tout juste né, promesse de souffle et de vitalité. Si le film justement ne manque à aucun instant de ces aspects essentiels je dois dire tout de même qu’il m’a quelque peu laissée sur le bord du chemin. Les mystères du cinéma : pourquoi tel film nous touche tant et tel autre nous laisse songeur ou encore totalement imperméable ?
Là où certains y voient magnétisme et fascination j’y vois un film qui n’a jamais réussi à m’emporter. Cela dit, je lui reconnais de très grandes qualités et surtout celle d’avoir porté au cinéma ce thème trop peu souvent évoqué comme tel : le rôle d’une mère au sein de la famille et auprès de ses enfants.
Pour vous la faire courte le film évoque le parcours de cette femme photographe de guerre, aujourd’hui décédée, dont les deux fils et le mari pleurent la perte. Le film revient sur leurs relations parfois tendues mais toujours empreintes d’un grand amour. Isabelle Huppert incarne cette femme écartelée entre son amour pour ses enfants, pour son mari et son amour inconditionnel pour son « métier passion ». On sent que c’est justement ce métier qui lui permet de vivre, pas tant les autres aspects de sa vie.
Il s’agit à mon sens d’un sujet clé, très ciné génique et socialement tabou. Une femme peut-elle réellement faire le choix de son métier au risque de manquer les moments clés de l’éducation de ses enfants ? Une mère n’est-elle pas censée tout donner à ses enfants et participer de tous les instants de leur vie ?
Le film met le doigt sur ce questionnement et nous invite au cœur des pensées et réflexion de cette mère de famille, de cette femme qui n’est jamais parvenue à trouver sa place au sein de la famille qu’elle a créée et qu’elle aime. Car soyons en certains, elle aime ses enfants de façon inconditionnelle « comme toute mère », cela dit, elle n’a jamais eu ni l’envie, ni le pouvoir de renoncer à son métier qui nous apparaît comme étant sa seule raison de vivre.
C’est en cela que le film puise sa saveur. Comment parvenir à vivre et à s’épanouir parmi les gens que nous aimons ? La question parait simpliste mais le film montre à quel point elle a du sens et n’engage pas une réponse aussi futile et facile qu’elle en a l’air, du moins pas pour tout le monde.
Est-ce utile de préciser qu’Isabelle Huppert crève l’écran ? Oui, littéralement… Dans une séquence du film, son visage tout endolori de peine et de toutes les horreurs qu’elle côtoie au quotidien mais aussi empli d’amour apparait et là oui, ce même visage semble vouloir sortir de l’écran. Elle a une présence magnétique impressionnante. Gabriel Byrne est d’une douceur en père aimant en proie à des difficultés de communication avec son plus jeune fils. J’avais eu un coup de cœur pour cet acteur dans Une aventure, film dans lequel il passait une douce et belle parenthèse avec Emmanuelle Devos et le retrouve tout aussi charmant, tendre, un peu perdu comme suspendu dans le temps mais bien ancré dans le réel. C’est d’ailleurs de toute cette ambiguïté que se joue le film.
Le film donne lieu, au final, à une jolie réflexion sur la famille, sur le rôle de chacun au sein de cette mini société. Et en lien avec cela, sur cette place à prendre, à gagner, à trouver.