« Quand sait on que nous sommes avant ou après guerre ? » Si l’on ne devait retenir qu’une chose de Planétarium, le nouveau film de Rebecca Zlotowski, ce serait sa capacité à toucher du doigt, à évoquer le glissement soudain vers une autre époque, la fin des illusions. Et ce n’est pas rien.
Mais ce film, sublime a bien des égards, porte à l’écran bien plus qu’une unique idée. Il mêle l’invisible, les non dits, l’art et la poésie du cinéma. Il n’en fallait pas plus pour qu’il ne soit pas loin de me bouleverser.
Ce Planétarium ce sont d’abord ces deux sœurs fusionnelles, presque seules au monde habitées par la capacité à entrer en contact avec l’au delà. Nous sommes à la fin des années 30 – cette décennie qui ressemble étrangement à la nôtre – avec ce supplément de crépitement culturel. L’art et le cinéma en particulier est en pleine ascension tant du côté technique, avec l’arrivée de nouvelles machines et de nouveaux procédés, que du côté des idées qui bouillonnent et tendent à la fusion.
Je pense que c’est d’ailleurs là l’une des notions principales du film : la fusion, faire se mêler des idées, des personnes, des milieux sans penser à la porte ouverte sur cela donne « aux mauvais » qui eux, n’ont pour unique projet que de cliver, détruire, déstructurer et séparer.
C’est ainsi que l’on est d’abord plongés dans la création d’un art nouveau : celui de porter à l écran les rencontres avec l’au delà de ces deux jeunes sœurs. Belle métaphore et belle mise en abîme pour nous dire la dualité du cinéma qui n’a pour autre but que de montrer les réalités de nos vies, de nos sociétés via une ribambelles d’effets. Cette mise en scène est sublime et nous dit l’essence même du cinéma qui convoque des émotions aussi diverses et variées qu’il y a d’individus sur cette planète. Chacun voit dans une séquence, dans un film, ce qu’il a dans le cœur, dans les yeux, dans la tête, dans son passé, son histoire et son vécu. Planétarium pose la question de la vérité au / dans le cinéma. Le cinéma ou l’art des illusions. Le cinéma ou l’art d’incarner la vie.
La route de ses sœurs croise celle d’un magnat du cinéma qui va les prendre sous son aile pour les mener à la gloire, surtout l’aînée du duo merveilleusement interprétée par Natalie Portman qui, je trouve, dégage pour la toute première fois quelque chose de l’ordre des stars d’antan : quelque chose de l’ordre de la grâce mêlée à une vraie aura. Elle évoque les stars du cinéma en noir et blanc avec une expressivité et une beauté incroyablement présentes. Tandis que la plus jeune : la très douée Lily Rose Depp est tenue en cage, à l’image de ces deux oiseaux qui lui sont offerts, elle est prisonnière de ce don qui la prive de toute liberté mis à part pour quelques instants précieux comme lors de cette soirée où elle semble si heureuse sous une pluie de flocons rappelant la pureté de ses jeunes années.
Le film est doux à cette image mais cruel par son traitement du sujet premier à savoir la montée du nazisme. C’est en cela que la réal (c’est son troisième film) parvient à injecter de l’imaginaire dans une ambiance douce en apparence mais cruelle en vérité.
Elle sublime un temps propice à la création, à l’échange (ces grandes soirées où les intellectuels refaisaient le monde) pour le faire péricliter face à la montée en puissance d’idées nauséabondes.
Et nous laisse avec ce sourire triste et cette phrase qui évoque « les lendemains » qui ne fut pas sans me rappeler cette sublime scène finale du film « Mia Madre » de Nanni Morreti (lorsque la maman, mourante, dit qu’elle pense à demain).
Quoi qu’il en soit et quoiqu’il advienne, n’oublions jamais de regarder vers demain. C’est là que se cache le secret de la résistance et de l’espérance.
Planétarium est une beauté de cinéma.
Paule
Quelle belle ode au cinéma