Depuis quelque temps je dois vous avouer que je me posais pas mal de questions sur mon rapport au cinéma. J’aime que le film que je vois (en salles) m’emporte. Comprenez que la salle de cinéma est l’unique lieu au sein duquel je perds tout contact avec l’extérieur et la réalité du monde qui m’entoure (oui c’est le seul endroit où mon téléphone n’a pas de réseau et sans être non plus addict, sachez que mon téléphone est en quelque sorte le prolongement de ma main). Il va donc de soi que j’attends du film que je visionne qu’il me fasse voyager – non pas forcément dans des contrées lointaines, une bonne balade dans mon quartier me suffit mais un dépaysement est attendu. J’attends que le film que je visionne m’intrigue. L’idée est, sans pour autant être bouche bée, sentir que le film m’anime et m’enivre. Rien de moins.
Rien de tel ces derniers temps même si quelques films m’ont procuré un vrai plaisir. J’en étais à me demander si je n’avais pas atteint mon quota d’émotions cinéphiles, si tout serait toujours plat au cinéma.
Et puis Edouard Baer est arrivé ! Il m’a redonné le goût de cette émotion que j’adore ressentir au cinéma. Ce sentiment d’être au cœur même de ce qu’il se passe sur l’écran, ce sentiment d’être emportée dans les péripéties des personnages qui peuplent cet écran. En un mot : ce sentiment d’être au cœur du monde tout en étant coupé du monde.
Louis (Edouard Baer) – mais il s’est renommé Luigi car ça fait plus « monde du spectacle » – dirige un théâtre renommé de la capitale. Lui et son équipe se connaissent depuis des lustres et forment une famille sans doute plus unie que sa propre famille avec qui il ne parvient pas à passer plus de 10 minutes. Luigi est fantasque et surendété. Le film se passe la veille de la générale et l’équipe menace de faire grève si le paiement n’arrive pas fissa. Cette joyeuse bande se connaît bien et partage bien plus que des journées de travail. Chez eux, point d’horaire de bureau, jamais de RTT et encore moins de vacances. On se lève le matin pour l’amour de l’art ne sachant jamais où la journée nous mènera. C’est sur ce fil là qu’Edouard Baer a ficelé son film.
En cette veille de première, l’un des personnage principal de la pièce manque à l’appel. Luigi et sa stagiaire (l’excellente Sabrina Ouazani qui me bluffe pour la vraie première fois, sans aucun doute son meilleur rôle à date dans lequel elle apparaît lumineuse et vivante) vont passer la nuit à le chercher dans Paris.
S’en suivent des déambulations dans les rues de la capitale du soleil couchant vécu depuis les hauteurs de la ville, aux bars de la rue Princesse (6ème arrondissement) en passant par les coins plus populaires, vivants et joyeux de Montreuil pour aller jusqu’au jardin des plantes et au Parc Monceau. Un tournée des grands ducs de première classe durant laquelle rejaillit la vigueur de ces soirs d’été où l’air doux, seul, suffit à nous enivrer… Ces soirs d’été dans la capitale qui semblent vouloir nous susurrer toute la teneur de la douceur de vivre.
Ce film est une ode à Paris, à la joie et à la douceur de vivre. Ce film est l’incarnation de ce Paris festif que l’on aime tant et qui ne semble jamais vouloir tout à fait s’endormir. Ce mélange de population, cette mixité du dernier métro qui permet aux couches tôt de se replier chez eux et qui invite les autres à se disperser dans l’immensité de la ville qui offre tout un éventail de possibilités. Cette ville dense oui mais si accessible qui offre un mélange possible et cette sensation « de petit monde ».
Ce film, c’est la joie de boire un bon verre de vin avec ses amis et de voir les amis d’amis et même ceux que l’on ne connait ni d’Eve ni d’Adam se joindre à nous. Ce film c’est cette capacité à s’ouvrir à l’autre pour de vrai, pour échanger un mot ou toute une conversation. Ce film c’est la liberté de se dire que demain n’existe pas et que tout se joue maintenant, à l’instant même où l’on vit les choses. Ce film c’est enfin une ode à ceux que l’on appelle les intermittents. À ces gens qui ne savent pas où ils seront ni ce qu’il feront dans 2 semaines, 4 mois, 5 ou 15 ans et grand bien leur en face car c’est dans leurs mains que semble se loger la vérité de la vie, le secret du fourmillement de la vie.
Que c’est beau une ville la nuit. Que c’est beau un film qui vit.
lent
Ravie que tu reprennes goût… au 7ème art. Le talent n’est pas donné à tous ; enfin je veux voir pour affiner mon avis et te
dire… quoi !!