Jour 5. Je sèche la projection matinale (l’autre film Netflix) pour me concentrer directement sur un film que j’attendais : Le redoutable, signé Michel Hazanavicius (OSS, The Artist). Soit un portrait lisse du subversif JLG (Godard). Si Louis Garrel donne vie à un JLG plus vrai que nature tour à tour antipathique, engagé, inspiré et invivable, il montre surtout qu’il a l’encablure pour faire rire et un vrai sens de la comédie.
Je ne sais pourtant que trop penser de ce film dont le but est-il de se moquer de JLG ou d’encenser son caractère contradictoire et sa personnalité contrastée. Je pose la question.
Le film ose quelques bonnes idées de mise en scène et d’effets visuels et a surtout la capacité à montrer la société fracturée telle qu’elle l’était en mai 68. Une société qui, pour la première fois, voyait une partie (pas la moindre) s’opposer à elle et faire entendre sa voix. Ça c’est exaltant et ça va d’ailleurs dans le sens de 120 BPM. De l’art de filmer les mouvements sociaux.
Le redoutable est enfin le portrait d’un homme fatigué et usé par son image publique et par le personnage qu’il a contribué à créer. Un homme, cultivé, qui cherche à comprendre la marche du monde et le pourquoi de ses sentiments et pour qui la compromission apparaît comme étant la pire des tares. Un intellectuel qui utilise sa caméra comme une arme pour filmer la société qui le fascine et qui s’embourbe dans ses certitudes et se perd parfois dans les propres thèses qu’il entend défendre. Enfin, un homme aux idéaux flamboyant qui ne s’abaisserait jamais à chercher le bonheur : beaucoup trop vulgaire et bourgeois le bonheur !
Et j’ai trouvé cela assez touchant au final.
Soit un texte de Charles Peggy, la volonté de raconter l’enfance de Jeanne d’Arc (hum ok !), des bonnes sœurs qui récitent une prière en mode heavy metal, un tonton qui rappe et gesticule façon techtonic sur un fond d’ambiance « Les Visiteurs » et l’exorciste, des moutons pour seuls figurants, tout cela moulé en comédie musicale… Bienvenue dans l’univers totalement barré de Bruno Dumont ! Le tier de la salle est partie, en flot continu, pendant la projection. Les deux autres – dont moi – sommes restés jusqu’à la fin du générique afin de saluer ce réal et ses acteurs qui venaient de dynamiter toute la sélection de ce 70ème Cannes.
Il ose, donne parfois la sensation de se fouttre légèrement de nous, mais tente quelque chose, a une offre divergente. Attention il faut que je sois honnête avec vous et avec moi même, je n’irais pas jusqu’à revoir ce film très étrange mais suis ravie de cette proposition rock qui suscite l’intérêt et donne à parler.