Si tant est que j’ai pensé cela à un moment, à la vue de ce film je peux dire que non, le cinéma n’est pas mort.
A tous ceux qui pensent ou disent que plus rien d’étonnant, de fort, d’original ne se fait – notamment dans la grosse industrie de LA – voyez le cinéma de PTA (Paul Thomas Anderson) qui selon moi est l’un des plus forts qui se fasse actuellement.
J’ai encore les images en tête de son There will be blood ou de son The Master qui m’avait littérallement envoutés. J’avais été plus dubitative devant l’ubuesque Inherent Vice qui m’avait tout de même bien emballée (ahh Joaquin Phoenix).
Le cinéma de PTA c’est d’abord un cadre, une façon propre de filmer – totalement maitrisée – et un choix d’acteurs qui frise la perfection. Ce film marque la suite de sa collaboration avec Daniel Day Lewis et j’en suis à me demander si j’ai déjà vu un acteur jouer aussi bien, aussi fortement, de façon aussi grandiose. Vraiment. Le magnétisme de cet homme est limite effrayant quoique surtout hypnotisant.
Il faut le voir porter sur son visage et sur son corps tout entier les stigmates d’un rôle difficile à endosser, celui d’un créateur de haute couture réputé qui habille l’aristocracie anglaise au sortir de la guerre, dans le Londres des années 1950. Il mène une vie monacale, aux côtés de sa soeur ainée qui veille au grain (un personnage très hitchcockien à tomber !)
Son quotidien ? Réglé comme du papier à musique… Remontage de chaussettes, cirage des chaussures, prise du petit déjeuner les yeux rivés sur son bloc note sur lequel il griffonne sans cesse ses prochaines collections et créations. Une vie vécue pour son art et rien que pour son art.
Mais alors qu’il poursuit sa route, imperturbable, il fait la rencontre de cette jeune Alma (une jeune actrice que je découvre et qui se défend superbement face au monstre sacré Daniel Day), serveuse dans un restaurant, en laquelle il va instantanément voir sa muse et la possibilité d’un amour à venir. Le coup de coeur est mutuel et la relation se noue d’emblée. De sorties assortis avec leur habits lumineux et chatoyants en séances de travail, le binôme tisse des liens au point d’entamer une relation amoureuse d’abord vécue de façon unilatérale par Alma puis, de plus en plus partagée.
Mais on ne change pas un homme qui vit seul depuis des lustres, d’autant plus, un homme engoncé dans son art et dans sa création qui a perdu de vue tout sens des artefacts du quotidien.
Si le film prend son temps, c’est pour mieux nous ammener vers ce final grandiose qui vient évoquer l’union de ces deux êtres si différents et si imparfaits. Attirés l’un par l’autre mais incapables de s’aimer dans les règles de l’art.
Il sera alors question de trouver son rythme, son propre arbitrage, de tisser les contours de leur propre histoire… Une affaire de domination qui se fraie un chemin dans la douleur, la soumission et disons le, une certaine forme de sado-masochisme.
Totalement vénéneux !