Comme je suis déçue d’être déçue. La sortie d’un film de Jacques Audiard est pour moi un véritable événement. Et ce depuis que je l’ai découvert avec son sublime De battre mon cœur s’est arrêté et qu’il a fait battre mon cœur plus vite que jamais avec Un Prophète dont je ne me suis toujours pas remise et que je regarde, regarde encore, pour enfin parvenir à définir vraiment ce qui me bouleverse dans cette œuvre.
Par la suite De Rouille et d’Os m’a également fait vibrer (vu lors de mon tout premier Cannes en GTL… des souvenirs forts, forcément) et puis même le quelque peu décrié Dheepan qui lui permit de récolter sa toute première Palme d’Or (oui c’est vrai que cette fin idyllique est limite…).
Il en manque donc à mon tableau de cinéphile mais j’aime me garder des petites douceurs pour la suite !
The brothers Sisters donc. Son premier film en anglais, un western, 4 acteurs américano-anglais (Riz Ahmed est British) au casting. Benoit Debie à la photographie (un maître), un scénario toujours ficelé avec son comparse Thomas Bidegain et John C Reilly à la production (entre autres puisque j’ai même vu les Frères Dardenne au générique de fin). Tout cela pour poser le décor et me questionner sur cette non réussite.
Serait-ce un film de commande ? On le sait plus ou moins en ce sens où c’est justement John C Reilly qui a suggéré à Jacques Audiard l’idée de cette adaptation, l’année même où Audiard remportait la Palme.
Ce que j’en retire c’est que le film, le noyau de cet opus, dure 30 minutes tout au plus. Tout ce qu’il se passe avant (durant l’heure et demie), est factice. Certes on entre dans le quotidien de ces deux frères tueurs à gages, engagés dans une course à travers l’Ouest Américain (jusqu’à SF dite « Frisco »), sur les routes de la ruée vers l’or. Mais rien ne se passe vraiment. L’émotion et encore moins les vibrations ne sont au rendez-vous. Il y a de l’humour et c’est là bien agréable. Il casse bel et bien les codes normés du western en faisant de ces deux frères des pipelettes qui n’hésitent jamais à partager leurs états d’âmes, leurs sentiments, leurs regrets.
Oui, mais encore ?
Au final, j’attendrai donc jusqu’à cette scène durant laquelle Charlie gifle Eli lors d’une soirée festive, de repos pour que l’intrigue débute véritablement. Dommage pour moi, elle se refermera bien assez vite sur une scène, certes, qui a laissé coulé une larme sur mes joues mais bien trop plate pour m’emporter.
Car oui, au final qui mieux que Jacques Audiard pour « regarder les hommes tomber ». Il montre comme personne les hommes larguer leur colère, leur virilité mal placée, leurs faiblesses, leur lâcheté pour en faire des héros ordinaires extraordinaires de bonté retrouvée, de grâce et d’humanité.
Il nous dit ici que seul prévaut ce rayon de soleil qui caresse notre joue lors d’un moment paisible et calme. Que seul a de la valeur le plat délicatement préparé par une mère heureuse de voir à sa table sa famille réunie… Certes.
Mais pourquoi alors ici le dire et le montrer de façon si didactique alors que de façon si subtile et nuancée dans des films précédents ?
Je n’ai rien retrouvé, ou si peu, de la pâte Audiard que j’aime tant. Ni cette direction d’acteur gérée à la perfection, ni ces effets de cinéma si simples mais qui disent tout, ni de cette subtilité humaine et humaniste…
Le film est dédié à son frère disparu (dans un accident de voiture alors qu’il était si jeune). Jacques Audiard ce serait-il alors interdit d’y mettre trop d’émotions ?
Je n’ai pas les réponses mais sais dire que pour la toute première fois, son cinéma ne m’a pas fait vibrer.
Revenez vite Jacques !
Je vous laisse en attendant avec cette très belle bande annonce.