Ce qui m’a frappé déjà c’est cette mise en scène comme saccadée qui veut dire l’histoire sous forme de flashback. Le récit est structuré de sorte que l’on comprenne les choses après les avoir vues de nos yeux, après avoir assemblé les morceaux du puzzle.
« Ce qu’on ne voit pas, on ne le sait pas » (what you don’t see, you don’t know) prêche alors le pasteur de la paroisse un peu extrême et très influencé par son implication dans la politique locale. Un parralèle avec le pouvoir en place ?
Steve McQueen est de retour et frappe fort avec ce nouveau film aux allures de thriller.
Il revient surtout pour dire encore une fois sa vision d’une société fracturée qui oppose noirs et blancs, riches et pauvres.
J’aime son cinéma fort, rigoureux et sans compromis. On a besoin d’entendre ce genre de voix qui montre sans faux semblant le racisme primaire et ambiant qui hante aujourd’hui les villes, les rues des Etats Unis. Il choisit ici de placer sa caméra dans les rues de Chicago (la ville de Barack et Michelle Obama) croisée de tous les chemins. Chicago cette « Gotham City », la ville de la pègre, des oppositions où se mêle la misère la plus horrible à la richesse la plus bourgeoise comme le montre cette scène durant laquelle l’homme politique donne un discours dans un quartier populaire et rentre dans son QG de campagne situé quelques rues plus loin mais dans un environnement tout autre. J’aime d’ailleurs le placement de la caméra durant ce chemin de retour, cette même caméra qui surplombe les alentours et marque très clairement ce changement d’ambiance au fur et à mesure qu’il change de quartier.
Steve McQueen a l’œil pour voir les gens, pour les regarder tels qu’ils sont et pour pointer du doigt les énormes dissonances d’une Amérique fracturée. On se demande souvent si le cinéma change le monde, je ne suis pas certaine que l’équation soit si simple mais il est sûr que lorsqu’il permet à des réalisateurs/trices de cet acabit de partager leur pensée, leur vision du monde, il a alors un intérêt considérable et une valeur socio-culturelle immense.
Les veuves est donc un film de braquage. Fait par des hommes puis par leurs femmes laissées pour compte. Le réal braque alors lui même son film pour nous donner à voir le combat de 4 femmes qui lutte pour leur vie – littéralement – pour survivre et subvenir aux besoins de leur famille.
Au coin de la rue, des politicards assoifés de pouvoir, des fanatiques religieux qui prêchent une bonne parole biaisée car portée par un mal ambulant – celui de la non Liberté de penser et de vivre – , par des militants pro armes et des vendeurs qui permettent à quiconque de sortir d’une boutique avec un sac plastique rempli de munitions ou encore des tueurs virulents ancrés dans la haine.
Tout un microcosme sympathique duquel ressort Daniel Kaluuya (vu dans Get Out, l’un de mes coups de coeur de 2016) qui parvient à éclipser ses comparses de jeux tant son regard, son corps tout entier vous glacent le sang. Un tueur froid et calculateur qui vous agrippe et ne vous lâche plus. Une allégorie du pouvoir en place ?
En fond, ces affiches de campagne d’Obama ornées d’un « HOPE* » majestueux qui semble hors d’atteinte après deux mandatures qui n’ont rien ou si peu apportées à la cause des noirs aux Etats-Unis.
Puis vient cette fin qui dit la volonté et la possibilité d’un futur meilleur, plus digne au sein duquel la culture, les livres ont droit de citer et reprennent leur place. Et puis ce tendre regard qui redonne sa place à l’humanité bienveillante qui peut alors naître entre ces femmes qui n’avaient pourtant rien en commun et peu de raison de se croiser.
Retrouver foi en l’humanité et en l’avenir. Des porte-voix sont là, ils prennent les armes au travers de leurs films pour construire un futur meilleur.
*Espoir