Filmer le double. Le trouble.
Derrière cette volonté de dire la dangerosité des réseaux sociaux sur lesquels tout est orchestré, tout peut s’orchestrer ; c’est surtout le désir de filmer la peur de l’abandon qui se lit.
La peur viscérale de vieillir, de ne plus être désirée, touchée.
Binoche est de retour et de chaque plan – ou presque. Et elle est parfaite.
Elle irradie dans le rôle de cette quinqua larguée qui tente de renaître sous les traits volés de la jeune, douce et charnelle Clara. En ce sens le film dit l’ambiguïté de l’amour qui place le charnel au cœur sans pour autant se départir de l’importance clé du regard, de la voix…
Je réalise qu’il est ardu d’écrire sur ce film tant il se vit. Binoche (qu’on avait un peu perdue à mon sens) est d’une justesse incroyable, à chaque instant au bord des larmes, capable d’élans de sensualité grandioses. Elle dit la douleur de cette femme qui a perdu toute foi en elle. Elle porte en elle ce besoin de sentir son corps vibrer et en cela, le film est une magnifique ode à la féminité, au for intérieur des femmes (dingue qu’un homme ait pu porter cela à l’écran).
En parlant d’homme, François Civil dont on entend d’abord uniquement la voix dans la première partie du film, est extra en amoureux transi et meurtri de ne parvenir à vivre un amour « palpable » avec la femme qu’il aime. Le film questionne à ce moment la possibilité d’un amour non charnel basé uniquement sur les sens. Le film est définitivement parsemé d’une atmosphère propre, souvent étrange tant elle passe des réalités du quotidien les plus concrètes (Claire / Binoche et ses enfants, en cours avec ses élèves) à l’univers amoureux d’un couple qui ne s’aime que de s’entendre et se parler.
Autre incongruité plus que plaisante, qui ne fait que confirmer la qualité du film et du travail du réal : plus le film avance, plus Binoche semble ressembler à son double et ce, sans qu’il n’y ait un quelconque travail de trucage.
Assez fascinant.
Binoche, une histoire de la sensualité féminine.