Jour de Palme !
Journée calme faite de conversations ciné (forcément le lieu et ce microcosme s’y prêtent), de rires et de quêtes aux invit’ notamment pour accéder à la projection du nouveau Tarantino « Once upon a time… in Hollywood » qui attire et excite TOUTE la croisette. Spoiler alerte : je n’ai pas réussi à obtenir le sésame et n’ai donc pu voir le film. J’attendrai le 14 août prochain. Mais changeons de sujet car je l’ai encore en travers de la gorge.
Mon chagrin fut vite dissipé puisque j’ai terminé cette journée avec la projection du nouveau Bong Joon Ho (Mother, The host, Memories of murder, Okja), très hype sur la croisette. Egalement très attendu. Parasite. Désormais détenteur de la plus haute récompense, la célèbre et bien nommée Palme d’Or.
Pour vous dire la vérité, c’est d’abord l’affiche qui m’a donné envie de découvrir le film.
Celle ci :
Je la trouve assez fascinante, même après avoir vu le film et la préfère à celle, plus policée, choisie pour la sortie française.
Toujours est-il que j’y allais vraiment intriguée et poussée par un enthousiasme sincère boosté par la pépite coréenne découverte l’an passé dont je vous ai largement parlé, le très grand Burning qui méritait déjà la Palme (mais était reparti bredouille).
Je suis en passe de vous dire que le cinéma coréen se porte très bien. Il tient sa force dans la richesse et la diversité de styles qu’il est capable de mixer et de restituer.
Car ce qu’il faut dire très clairement et noter, c’est bel et bien cette maestria qu’ont les réal de ce que l’on peut appeler « la nouvelle vague coréenne » de confronter des styles de cinéma très variés allant de la comédie, au film de genre en passant par le thriller. C’est exactement ce que propose ici Bong Joon Ho avec une délicatesse rare.
Parasite est une vraie Palme d’Or en ce sens où elle offre une proposition de cinéma complète. Le film coche toutes les cases des récompenses : un scénario ficelé comme jamais, chaque plan propose des idées de mise en scène, des acteurs impeccables, une photographie extra… Un véritable amour de cinéma imbibe la pellicule et c’est alors un plaisir intense qui rejaillit sur nous, spectateurs.
Le pitch de départ est simple. Soit deux familles. L’une, pauvre, vit dans les bas fonds (littéralement) d’une Corée morcelée et survit de petits boulots glanés à gauche et à droite. L’autre, riche, vit sur les hauteurs de la ville et s’enorgueillie de la vie paisible et tranquille qu’ils mènent. Le film va marquer le point de rencontre de ces deux familles que tout semble opposer. Un jeu de dupes va alors se tramer. Maîtres VS serviteurs.
En fin stratège, le réalisateur fait en sorte que ce face à face prenne vie sous le spectre de l’humour, du second degrés et de l’imposture. Pour finalement casser tous les codes auxquels on était enclin à s’attendre.
C’est jouissif et addictif. Et tout à coup, sans prévenir, un changement de style majeur s’opère et on quitte la comédie pour se retrouver alors au cœur d’un thriller qui, lui même frise avec les codes du fantastique pour ensuite jeter les bases du film de genre. De l’art de casser les codes. De les empiler avec un brio tel qu’il n’y a aucune couture. Ne reste qu’un plaisir immense de cinéma.
Le film use de tous les subterfuges possibles pour dire la réalité d’une Corée fragmentée et divisée. Pour dire les extrêmes d’un monde capitaliste qui bousille tout sur son passage et modèle un monde en proie à l’uniformisation devenu alors, exsangue.
Tout dans ce face à face dit quelque chose d’un monde qui bouge. D’un glissement civilisationnel.
C’est mordant et incisif. Et surtout très surprenant. Le réalisateur mise sur les retournements de situations pour nous maintenir aux aguets. On jubile à chaque instant. L’humour fait rage et l’intelligence du réalisateur foisonne pour dépeindre au plus près les pulsions et autres habitudes de chacun. De l’art de créer une fable sociale parfaitement maîtrisée.
Ce film à tiroirs (dont je tairai tout, nous avons le devoir de ne rien dévoiler, encore moins spoiler ) va chercher du côté des plus grands maîtres du suspens et de la satire sociale de Hitchcock à Chabrol et passant par Clouzot.
Le jury ne s’est pas trompé. Enfin une Palme qui plaira au plus grand nombre ! Une palme qui a le meilleur des aspects : une trame simple mais des ressorts de part et d’autre, partout, à chaque instant.
Le signe des grandes œuvres. De celles qui restent.