Xavier Dolan vient d’avoir 30 ans et il est de retour sur ses terres, au Québec. Ses terres qu’il avait quelque peu désertées pour les besoins de son film précédent My Life with John F Donnovan qu’il a tourné aux Etats-Unis, en collaboration avec les studios hollywoodiens.
Il opère ainsi un retour aux sources et c’est définitivement dans ce registre là que je le préfère. Je le sens plus libre, épanoui dans son art. Il se fait plaisir et ça se sent.
Il filme ici l’amitié. L’amitié sous le prisme du groupe. Ce groupe d’amis a tout partagé, ils se connaissent et se côtoient depuis leur plus tendre enfance. Ils sont soudés, forment une famille, un cocon qui vient justement leur donner le cadre et l’affection dont ils viennent, parfois à manquer, auprès de leur propres parents, frères et sœurs.
Comme toujours chez Dolan, les dialogues sont très écrits et l’on se régale de ces saillies qui mêlent français, anglais et québéquois. De nombreuses scènes laissent place à l’humour et c’est alors toute la fougue, l’énergie du groupe, de la jeunesse, de l’amitié qui surgit à l’écran.
Le montage est parfois foutraque, à l’image du groupe mais c’est bien son dynamisme que l’on remarque et qui nous emporte. Le tout est sacadé et nous invite à suivre de près chacun des membres du groupe. C’est là l’une des forces et la réussite du réal : parvenir à donner vie à chacun des personnages.
Et puis la mise en scène… On aime ou pas le cinéma de Xavier Dolan, mais force est de constater qu’il sait utiliser une caméra, embellir une image, trouver un cadre et créer des plans assez uniques. Il tente et teste à chaque film.
Ces scènes filmées dans l’eau, au bord de l’eau, au ras de l’eau sont sublimes. Xavier Dolan sait nous emporter. Nous tenir tout prêt de lui et de ses personnages.
Et puis vient ce baiser. Ce baiser de cinéma qui nous est caché à nous spectateurs mais dont on sent bien qu’il a bouleversé l’équilibre des deux personnes concernées et du groupe tout entier.
C’est alors que le réal nous laisse comprendre, par le prisme des mouvements de corps, des regards échangés que l’équilibre a changé.
La tension engendrée par le baiser finira par s’exprimer dans une scène qui emprunte à Titanic (sacré Xavier, c’est un vrai fan) et qui nous emporte dans le tourbillon de la passion enfin assouvie… ou presque. Cette scène est très forte et porte en elle une véritable puissance cinématographique.
Un film de Dolan ne serait pas un film de Dolan sans la présence des mères. Tour à tour toxiques, aimantes, rassurantes, excessives ou excentriques : mais présentes. Leur rôle est ici en sous texte mais elles demeurent bel et bien en périphérie et leur présence est clé.
C’est ainsi qu’un nouvelle fois et on l’espère pour longtemps encore, Xavier filme la vie. La vie avec ses moments doux, ses moments d’osmose où les mots n’ont plus besoin d’être pour être bien avec ceux que l’on aime, et ses instants d’incompréhension et de tensions… Ainsi va la vie.
Et c’est alors qu’il tente le happy end.
Xavier Dolan dit avoir « fini un cycle » avec ce film, on ne demande qu’à découvrir la suite.