Il y a un côté poil à gratter chez ce Garçon chiffon – autant en la personne de Nicolas Maury, que dans son double / personnage Jérémie, que dans son film. La scène d’ouverture déjà, dans laquelle Jérémie (Nicolas Maury donc, dans ce qui pourrait être son propre rôle) utilise son portable comme une boussole pour se repérer dans les rues de Paris qui semblent le faire tourner en rond et en bourrique, me donne le sentiment de sonner faux.
Car il y a un certain narcissisme dans cette première réalisation. Nicolas Maury est de tous les plans. Et si Hervé (son personnage dans la série 10 pour cent) me plait assez, je ne peux pas non plus dire que j’avais envie d’un film autocentré sur sa personne qui plus est si c’est pour se prendre en pleine figure tout son mal être professionnel, amoureux : somme toute existentiel.
Mais quelque chose se passe et je suis happée. Emportée par ce vent doux d’une vie sur le fil, d’un destin suspendu qui attend de pouvoir, enfin, s’accrocher à une branche plus solide cette fois.
Jérémie est comédien et attend le rôle qui fera décoler sa carrière. En attendant il vivote, tente de se défaire de sa jalousie maladive qui l’éloigne de son amoureux vétérinaire Albert et le plonge dans une dépression de plus en plus profonde. Les 45 premières minutes sont tout de même un peu lourdes mais le décor est planté.
Puis un petit miracle s’opère. Alors que Jérémie se réfugie chez sa mère – toujours parfaite Nathalie Baye en maman aimante quoiqu’un peu extrême : « ce rôle est fait pour toi » lui dira t-elle lorsqu’il lui annonce qu’il se prépare à endosser le rôle « d’un jeune homme perdu dans un monde hostile dont le suicide sera la seule échappatoire ». C’est alors le miracle de l’éclosion. Ce que je percevais un peu comme un gros papillon sombre devient léger et coloré… Il y a des scènes horripilantes (il passe son temps à se reveiller et à mon sens personne ne s’étire jamais en se cambrant autant mais soit) mais il y a surtout une plus grande dose encore de scènes superbes… Le passage en arrière plan d’Isabelle Huppert qui sort du Christine (le cinéma de son fils dans la vraie vie ndlr) ou encore ce cadeau d’anniversaire… Après avoir forcé un peu le trait, Nicolas Maury semble trouver son rythme et parvient à placer le curseur à l’endroit exact de ce qu’il voulait dire et montrer et c’est alors la grâce qui l’emporte entre incursion théatrale, comédie musicale et des purs moments qui disent la puissance libératrice et purgatoire du cinéma comme cette scène de pétage de plomb de la grande et divine Laure Calamy.
C’est ce savant mélange des genres qui permet alors à Nicolas Maury / Jérémie d’utiliser la matière cinéma comme une catharsis. La légèreté également avec laquelle il dit le chemin qui est le sien, sans jamais trop s’appesantir.
Et il n’y a plus rien de poil à gratter là dedans.