AMHA (A Mon Humble Avis), Festivals de Cinéma

Suprêmes

Posted by Barbara GOVAERTS

Un groupe de rap mythique qui a bouleversé la chanson française dans les années 1990. C’est NTM. Il faut dire que ce duo là a apporté une sacrée dose de nouveauté dans le paysage musical de cette France qui découvrait alors le rap avec la scansion et la fraicheur de MC Solar.

Joey Starr et Kool Shen ont alors débarqué avec un style plus énervé. Plus nerveux aussi.

Leur but : sortir de chez eux déjà, et dire la dure réalité de leur quotidien. L’un issu d’une famille soudée mais ancrée dans une réalité qui vous cheville au corps : les menottes de ce fameux déterminisme social qui ne vous donne pas les mêmes opportunités qu’à d’autres « mieux nés ». Oui l’expression est horrible mais c’est là justement que se trouve le positionnement de NTM, bien décidé à crier les injustices qu’eux et leurs amis subissent dans leur fief – Saint Denis, 93.

L’autres c’est Joey Starr et sa mère absente, son père musicien raté qui vit rongé par le ressentiment d’une carrière manquée. C’est l’histoire d’un gosse laissé pour compte qui aurait bien fini par se perdre dans les excès… Cet échappatoire qui vous rattrape toujours à un moment.

Le décor est posé. Mais il y a cette passion pour l’écriture de textes, pour l’impro aussi car ce duo là se complète parfaitement : l’un pose les bases et cadre, l’autre prend la suite et remplit.

Et puis le reste est, comme toujours, une affaire de rencontres. Ces personnes qui vous mettent le pied à l’étrier et vous permettent alors de songer à un ailleurs, à un autre chose, à un après.

Si le film est linéaire sur les débuts du groupe (de 89 l’écriture de leur premier texte chanté sur une scène du 93 à 92, date de leur premier Zenith), il parvient à donner un bon aperçu de cette amitié et de cette collaboration hors norme. Le groupe a jeté un pavé dans la marre en invectivant les politiques de l’époque sur les réalités quotidiennes de leurs amis et des habitants du 93. En cela NTM fut dès ses débuts un groupe dont la portée fut hautement sociale et politique. Forcément clivant.

Le film dit cela en pointillés et avec une certaine vigueur. J’ai été emportée par cette narration qui dit et illustre la hargne de ces jeunes bien décidés à sortir de leur marasme. Puissant.

Cette force est largement due à l’interprétation des deux jeunes acteurs qui ne faillissent devant rien pour incarner les deux rappeurs hauts en couleur. Il en faut du talent et du travail sans aucun doute pour parvenir à donner le sentiment et la sensation physique même de se trouver face à ces deux monstres du rap. Il en faut du charisme pour oser dire leur texte avec la même acrimonie, la même colère, car oui, ce sont eux qui rappent dans le film ! Et ils ont eu l’aval de DJ Cut Killer et des deux intéressés.

Si le film m’a un peu laissée sur ma faim en ce sens où j’aurais aimé entendre un son connu comme La Fièvre par exemple (mais la chronologie du film que j’évoquais ne le permet pas), je note la force de frappe d’un film qui est parvenu à me prendre dans son sillon.

Suprême.

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