Le film s’ouvre paisiblement, au son et au rythme de la respiration nocturne de Julie.
Très vite, cette respiration à la fois lente et rythmée est stoppée nette par la sonnerie du réveil qui retentit.
A ce moment là, débute alors la course – effrénée – qui ne s’arrêtera qu’à la toute fin du film.
Julie se met en branle et avec elle ses deux jeunes enfants qu’elle élève seule. Chaque matin, la même routine : céréales, habillement… Pas de temps pour les caprices, et voilà que les enfants sont déposés chez la voisine du village – une brave dame âgée qu’on sent bien dépassée par les événements. Une situation de repli qui ne devait pas durer, on le sent bien. Du ponctuel qui dure en fait un peu plus longtemps que prévu.
Car sans aller jusqu’à dire que le tableau est noir, la situation n’est tout de même pas idéale. Julie manque de sous, la père des enfants est aux abonnés absents et règle la pension alimentaire lorsqu’il a le temps, c’est à dire pas très souvent, sa voiture ne démarre plus et son travail de femme de chambre dans un palace parisien ne lui convient plus. C’est peu dire qu’elle n’a guère de temps pour penser à elle. Sa vie de femme est réduite à néant. Elle est une employée et une mère de famille.
Alors lorsqu’une grève générale se met en place, c’est tout son quotidien qui vient s‘émietter un peu plus.
Car Julie – on l’imagine du temps de l’amour et du couple avait fait le choix de vivre en périphérie de Paris pour offrir un jardin à ses enfants, et de l’espace « Je ne veux pas d’une cage à poule en banlieue pour mes enfants ». Elle, qui en temps normal, a déjà un bon temps de trajet, voit ce dernier doubler voir certains soirs quadrupler et c’est alors tout son équilibre familial, professionnel, social, amical qui s’en voit bousculé.
C’est à partir de ce postulat et de ce « simple » fait de société – une grève – que le réalisateur tisse son film. Et il fait de cette « petite chose filmique d’1 heure 25 » un grand film haletant, intense et nerveux digne des plus grand thriller ou polar, ou du moins, film d’action.
Car le film est tout en tension. On est avec elle, on court, on saute de RER en co voiturage, on a le coeur qui bat la chamade lors des entretiens professionnels qu’elle passe, on se pose alors et on reprend notre souffle dès lors qu’elle-même prend un instant pour souffler. Mais qu’ils sont rares ces moments !
On entend beaucoup parler de la fameuse charge mentale de certaines femmes, mères, épouses… Cette Julie semble alors en être l’incarnation parfaite.
Laure Calamy se bonifie de film en film. Je sens que le cinéma lui fait du bien. Lui sied. Elle incarne véritablement ses personnages. Elle donne du sien, de la chair. Ici, elle est épatante dans les chaussures de cette femme qui vit à 100 à l’heure pour faire face. Si parfois elle se fissure un peu, elle craquèle, elle se ressaisit dans la minute, comme si elle s’imposait le devoir de poursuivre, de ne pas flancher. Laure Calamy joue cela à la perfection et avec une humanité rare car honnête et sincère. Elle me fait penser à un Depardieu dans son approche du jeu. On sent « qu’elle est elle », qu’elle se sert de ses tripes, de ce qu’elle a en elle pour servir, donner vie à ses personnages. C’est flagrant et terriblement puissant ici. Elle humanise cette femme, somme toute lambda, mais tellement unique à la fois.
J’aime que le film ne soit jamais binaire. ll met en scène une femme qui se bat, qui se défend face à la vie qui lui impose un rythme effréné mais jamais elle n’est amère. Elle n’est pas non plus à bout de souffle face à ses enfants. Certes elle ne passe pas le temps qu’elle aimerait passer avec eux mais elle est là, à plein temps, dans tout ce qu’elle fait. Elle est entière et vraie.
Une femme debout en somme.