Festivals de Cinéma

Cannes 2022

Posted by Barbara GOVAERTS

Voilà qu’après une année off due au COVID (2020), puis une annulation de dernière minute (de mon côté) de cette « édition de reprise » (elle eut lieu en juillet 2021 et non en mai, autant dire que ce fut une vraie fausse édition, je me rassure comme je peux d’avoir manqué Cannes 2021 !), j’ai pu faire – en ce moi de mai 2022 – mon retour sur la croisette.

Tant attendu et espéré, il m’a profondément remplie de joie d’autant que je célébrais mes 10 ans de festival et mon 40ème anniversaire. L’émotion de ces retrouvailles avec la bulle cannoise à laquelle s’ajoutait celle des souvenirs de ma première fois (en 2012 donc lorsque la grande Marylin soufflait sa bougie sur cette belle affiche en noir et blanc), ont créé un bouillonnement interne qui me fut fort bénéfique.

J’aimerais déjà revenir sur cette bulle cannoise que j’évoquais plus haut. Elle est incroyable et distille des sensations diffuses. Je m’explique.

J’ai à nouveau pu faire l’expérience (car oui vivre le festival de Cannes est une expérience) de ce quotidien fait de cinéma, uniquement de cinéma. Cannes (le Festival) est un monde dans le monde. Plus rien d’autre n’existe lorsque vous êtes à Cannes mais tout existe en même temps, très fort et encore plus puissamment. Cannes est en fait la résonance du monde à la fois fermé sur lui même (à lui seul il représente le cinéma et tout le cinéma) et totalement ouvert sur la vie, les sociétés, les hommes et les femmes qui nous entourent. Il est totalement aux prises avec les réalités d’un monde en mouvement qui sort tout groggy d’une phase immobile imposée par une pandémie qui nous aura tous heurtés de près ou de loin, et qui redécouvre les réalités mortifères de nos limites à tous, nous humains. Alors que nous aurions pu rêver à un monde meilleur, débarrassé de nos habitudes les plus mauvaises, nous découvrons que la guerre est toujours là – et plus proche de nous encore – des hommes, des femmes, des enfants meurent toujours noyés en mer, la barrière entre les riches et les pauvres est encore plus forte… Les inégalités vont bon train et le monde avance bon an mal an.

C’est exactement ce que donne à voir le plus grand festival de cinéma au monde qu’est Cannes. S’il est facile de perdre pied avec la réalité des nouvelles quotidiennes tant on est happé par le quotidien du festival et des films à découvrir chaque jour (clairement la priorité à Cannes), le festival nous emmène justement au coeur de ce qu’il se passe dans le monde, sur notre planète et c’est exactement en cela qu’il résonne si fort. Il est l’écrin du cinéma mondial et le miroir de nos sociétés.

Les films que j’ai vus disent cela. Rapide flashback sur les 6 films que j’ai visionnés, sans grand coup de coeur vibrant mais un vrai et pur plaisir de découverte.

Pamfir présenté à La Quinzaine des réalisateurs

Un film ukrainien qui raconte l’histoire d’un homme broyé par la contrebande.

Lorsque la pauvreté vous mène jusqu’aux bas fonds… Comment rester un homme brave et honnête lorsque l’on franchit les frontières de la légalité. Un film qui mêle tragédie grecque et sens du récit. Sans dire que j’ai été happée, j’ai suivi avec intérêt le parcours semé d’embuches de cet homme qui tente de faire de son fils… un Homme. Un Homme combatif, mais éduqué et capable de discernement. Pour mieux faire face à l’adversité. Un film qui nous donne à voir la vie et le quotidien dans une contrée reculée d’une Ukraine en proie à la violence.

La nuit du 12 présenté dans le cadre de Cannes Première

Sans doute mon film préféré. Un thriller habilement mené qui met en scène un formidable acteur (Bastien Bouillon) au coeur d’une enquête policière sans issue. Une sombre affaire de féminicide qui le hante tant la résolution de l’enquête s’éloigne à mesure qu’il reçoit et entend les présumés coupables : « A la fois tous et aucun de ces hommes auraient pu commettre ce crime ». Un film tendu, sur le fil, qui dit en toile de fond une âpre réalité du terrain : baisse des moyens financiers alloués aux besoins des enquêtes, fragilité et fatigue psychologique des policiers et enquêteurs. Ce que j’aime dans le cinéma de Dominik Moll, c’est toujours cette drôle d’atmosphère pesante (mais pas gênante) qu’il parvient à distiller dans ses films. Une fois n’est pas coutume, j’ai retrouvé sa pate avec plaisir.

Frère et soeur présenté en compétition officielle

Oh la tannée ! Le cinéma de Desplechin me plait autant qu’il me repousse. J’ai tant aimé son Roubaix, une lumière qui magnifiait grandement un Roschdy Zen en proie à la solitude, j’ai tant détesté ce nouvel opus qui dit et redit les haines familiales des Vuillard. Je ne m’épancherai pas, tant j’ai tout détesté en bloc de ce film. De certains dialogues peu naturels au jeu des acteurs parfois surfait en passant par cette trame de fond qui me dérange grandement. Les pugilats familiaux, très peu pour moi. Ou alors lorsque l’amour profond qui unit les êtres se ressent, tel que chez Dolan (Mommy, Juste la fin du monde). Pour moi ce film n’est que posture et gémissements et c’est lourd.

France – de Mia HANSEN-LØVE AVEC: Léa SEYDOUX, Pascal GREGGORY, Melvil POUPAUD, Nicole GARCIA, Camille LEBAN MARTINS

Un beau matin présenté à La Quinzaine des réalisateurs

Melvil Poupaud, encore… Pour notre grand plaisir. Il est là, tout à son jeu, il donne corps à son personnage – cette fois bien plus aimable que dans le film de Desplechin. Il joue ici le rôle délicat d’un homme tiraillé entre deux histoires d’amour et notamment celle qu’il entreprend ici avec une amie de longue date fraichement retrouvée, jouée par une Léa Seydoux au naturel désarmant. J’aime définitivement cette actrice de plus en plus. Elle est maman d’une petite fille qu’elle élève seule à Paris et s’occupe de son père de plus en plus dépendant du fait de la maladie qui le diminue un peu plus chaque jour. Le film, sur le papier, peut sembler peu attrayant tant il parle de maladie, de dépendance… Mais il ressort de cette délicate oeuvre une véritable douceur de vivre et puis cette force qui veut que nous avancions et que nous vivions notre vie quand bien même notre entourage nous cause du soucis et nous demande du temps et de l’énergie. Ce film dit le besoin indispensable de penser à soi – aussi et surtout – lorsqu’il est question de s’occuper des autres, de nos proches. S’oublier ne sert à rien, on ne peut donner que ce que nous avons et comment alors venir en aide à ceux que nous aimons si nous sommes dépourvus de vie. A nous alors de trouver la façon, le rythme, la source de vie qui nous armera, nous fera avancer et ainsi être là, véritablement, pour ceux que nous aimons. Un sujet délicat très habilement amené.

Triangle of sadness (Sans filtre) présenté en compétition officielle

Ce film faisait partie des films que j’attendais. ll est signé Ruben Ostlund devenu maitre dans l’art de nous mettre mal à l’aise.

Je me souviens encore de son premier film évoquant le chaos dans lequel tombait une famille unie après que la père de famille l’ait joué perso un jour d’avalanche, ne pensant qu’à sauver sa peau et pas celle de sa femme et de leurs enfants. Une descente aux enfers pour cette famille en perte de rePERE.

Son second film, The Square, fut palmé et nous donnait à voir une réflexion sur la pudibonderie de nos sentiments et de nos actions face à la société qui nous entoure. Quid de nos belles idées d’humanisme dès lors que nous sommes confrontés aux réalités du quotidien ? Grinçant et bien mené.

Son troisième film, est une ode amer et pleine d’acrimonie pour dire cette éternelle lutte des classes. Des riches et des pauvres sont sur un bateau, tous tombent à l’eau : qui survit dans la jungle contemporaine ? Le réalisateur palmé n’y va pas par quatre chemins et se risque à aller vers un certain humour scatologique pour dire le pourrissement d’une situation sociale qui s’envenime. Les riches, toujours plus riches se perdent dans des considérations débiles tant ils évoluent dans un monde surfait qui les rend hors sol. Dénués de tout sens des réalités, ils en oublient d’être humains et sont dépeints tels des robots lobotomisés incapables d’une quelconque réflexion ou d’une quelconque action concrète qui les sauverait pourtant d’une mort certaine ! Le réal touche également les « influenceurs » : ces « nouveaux nouveaux riches » pas forcément riches et dont le but n’est pas de faire fortune mais dont le but est de se faire inviter, gâter de toutes les façons possibles : des nouveaux pic assiettes version 4.0 en somme ! Oslund ne leur épargne rien et pas même l’embarras de se faire punir par les pauvres, alors encore en capacité de leurs moyens et en phase avec le monde, avec ses réalités. Eux sont aptes, et puissants dans leur (relative) faiblesse.

Les derniers seront les premiers !

R.M.N présenté en compétition officielle

Je passe mon tour pour vous parler de ce film devant lequel j’ai piqué du nez. A plusieurs reprises. Un certain manque d’incarnation, pas d’empathie pour les personnages…

Une thématique de prime importance mais amenée avec de gros sabots.

Cette vielle Europe qui vit encore recluse, peuplée d’hommes et de femmes encore trop occupés à regarder leur nombril pour s’ouvrir à un monde en mouvement, un monde métissé et riche des différences qui le compose.

l’Eglise qui se veut du côté des opprimés mais n’ose hausser le ton trop fort de peur de chagriner ses fidèles.

Sur le papier le sujet est majestueux et indispensable : un trop grand manque d’humanisme sévit encore sur notre Terre.

Sur la pellicule, un amas de poncifs par forcément bien amenés qui rendent le tout terne et sans grand intérêt cinématographique et social. Dommage.

Me reste ces marches… celles de Cannes, celles du cinéma… Celles qui nous emmènent vers un ailleurs majestueux où même les films les moins prenants, les moins puissants, portent en eux un gout du monde… Ce fameux goût de la vie.

Les marches qui mènent au 7ème ciel

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