Ce qui me frappe de prime abord c’est la ténacité de cette femme somme toute seule face à l’adversité. Sa ténacité mêlée à ce calme olympien. Ici, contrairement à ce qui pourrait s’apparenter à une vieille antienne : ce ne sont pas les femmes qui râlent et « s’excitent » : elles sont posées et réfléchies lorsque les hommes, eux, sont colériques, engoncés dans leurs certitudes d’être à leur place alors qu’ils ont à peine les compétences requises pour le poste. Mais quel homme douterait de ses capacités à remplir sa fonction lorsqu’il a été placé là, par un proche ou un haut gradé…
C’est dans ce contexte que le film s’ouvre. Et dès les premières minutes, Isabelle Huppert brille de ce positionnement, à la lisière du volontarisme le plus noble et le pas de côté qu’il faut lorsque l’on touche de si prêt aux plus hautes sphères du pouvoir.
C’est l’histoire vraie de Maureen Kearney qui est ici contée à l’écran. Histoire dont je ne savais rien. C’est tout juste (je l’avoue) si je me souviens des tenants et aboutissants de l’Affaire Areva, cette entreprise française qui fit les gros titres sous la mandature de François Hollande.
Je ne reviendrai pas ici sur les détails de l’affaire Areva mais vous dirai que le film est centré sur l’histoire de Maureen Kearney, représente CFDT du groupe et par essence donc syndicaliste d’Areva qui soutenait – si ce n’est portait – les quelque 50 000 salariés de l’entreprise, souvent en proie aux malversations de la direction trop affairée à faire affaire avec les chinois. Une affaire politico-économique comme on en voit beaucoup dans notre ère capitaliste.
Et au milieu donc de ces hommes cravatés (il y eu la période Anne Lauvergeon, présidente du groupe et proche et protectrice de Maureen mais le film ne s’attarde pas sur cette tranche là bien que Marina Fois marque le film dans ce rôle ambigu de femme de pouvoir, taillé sur mesure), cette femme donc : « pas même ingénieur » dixit son principal détracteur; qui cherche à faire entendre sa voix avec pour seule volonté : celle de faire respecter les droits des salariés. Drôle de positionnement qui donne accès à la fois aux plus hauts gradés de l’Etat et aux ouvriers. Et c’est très clairement ce grand écart là qui fut la source et la raison de l’ouverture d’esprit de cette femme. Et l’on comprend qu’elle ai opté pour la défense des uns par rapport aux autres !
Mariée à un manager de tournées (dans le domaine du spectacle donc), mère d’une ado en mal de positionnement (une adolescente donc !), Maureen se donne corps et âme à son métier mais ne délaisse pas pour autant sa vie de famille. Elle qui se régale de romans policiers, apprécie le temps passé en dehors des arcanes du pouvoir et mène une existence plutôt tranquille.
Ce qui est certain c’est que Maureen gène. Elle gêne les petites gens du milieu trop occupés à bafouer les lois de la République alors même qu’il évoluent en son sein. Etre une femme qui reste à sa place, ne dit pas un mot plus haut que l’autre et dont la visée n’est jamais autre que d’aider les plus opprimés, n’a jamais été un frein aussi prégnant. Elle gène jusqu’au moment où on cherche sciemment à l’écarter. Un soir, Maureen est victime d’un car jacking durant lequel on lui vole sa mallette. Un autre matin elle est victime d’une intrusion durant laquelle un homme la violente physiquement.
Jean-Paul Salomé tire de cette histoire un excellent polar politico-policier qui frise le thriller tant il nous emmène au coeur même de l’enquête qui suit cette agression.
On pense alors à divers rôles déjà interprétés par Isabelle Huppert parmi lesquels l’Ivresse du pouvoir de Chabrol et ELLE de Paul Verhoeven. Cette syndicaliste serait alors un parfait mixe de ces deux précédents rôles.
Le réalisateur filme cette affaire avec une empathie qui ne vient jamais ni rendre le propos trop moralisateur ni trop facilement binaire (les bons contres les méchants), même si le personnage incarné par Yvan Attal est très clairement marqué par sa seule antipathie.
Il y a un parti pris et j’aime que le réal aille jusqu’au bout de son propos. Il fait de son film un véritable outil juridique en mesure de remettre cette affaire classée sans suite, sur le devant le la scène. Car disons le clairement, cette affaire reléguée aux fonds de tiroir n’a pas révélé tous ses secrets. La voix de cette femme victimisée puis accusée d’avoir affabulé doit à nouveau avoir le verbe haut.
Le film est en salles, commençons déjà par cette étape : faisons le déplacement pour le découvrir au cinéma.
Le reste suivra.
De l’utilité publique du cinéma.