Pour ceux qui douteraient encore, non, ce film Barbie n’est pas une production Disney, ou un quelconque film destiné aux enfants et autres amateurs de la célèbre poupée lancée par la maison Mattel il y a de cela quelques décennies.
Si le film parle bel et bien de la dite poupée aux mensurations idéales – ce qu’on a justement voulu nous faire croire – et qu’il surfe sur la vague marketing qui l’entoure (les prix des poupées de la gamme issue de ce film est exorbitant mais va sans aucun doute permettre à la marque de connaitre un nouveau coup de boost !), il a un tout autre dessein.
Sous couvert de dire les dérives de cette poupée qui aurait créé des complexes chez des milliers de petites filles sur cette Terre, il tire à balles réelles sur les abus, les limites du patriarcat.
Le film s’ouvre sur cette scène inspirée de 2001 qui avait déjà retenue mon attention dans un teaser partagé sur la toile cet hiver. On y voit des petites filles jouant avec leurs poupons, toutes affairées à « jouer à la maman ». Jusqu’à ce que cette poupée toute en jambe (une Barbie géante du même acabit que la stèle monolithique du film de Kubrick qui intriguait les singes alors en proie à une évolution humaine majeure) ne débarque pour changer à jamais leur vision de la féminité. Enfin une poupée qu’on ne maternera pas mais à laquelle on aura de cesse de se comparer. Qu’on adorera vêtir d’habits tous plus saillants et sexy les uns que les autres, à qui l’on adorera inventer des amourettes avec le Ken de notre choix. Une poupée au corps et à la vie idéalisés sur laquelle on projettera tous nos désirs les plus fous ! Avoir la taille marquée, porter des talons hauts et devenir médecin ou astronaute : voilà le rêve d’une vie pour toutes les petites filles du monde entier. Selon Mattel.
Cette Barbie de tous les possibles est ici interprétée par Margot Robbie (Barbie stéréotypée), parfaite dans le rôle et pas uniquement pour son physique… stéréotypé. Mais justement parce qu’elle apporte à cette poupée humaine un vrai sens de la dérision : une incarnation de la beauté humaine et un second degrés réel. Elle est tout à la fois cette femme sublime – somme toute parfaite – mais aussi fragile de ce physique avec lequel il faut justement « jouer », subtilement. Ne pas être qu’un physique.
C’est alors que le film « l’utilise » à bon escient pour dire l’abêtissement d’un monde qui a basé ses fondations sur la toute puissance du fameux mâle blanc et qui laisse à la femme la difficile tâche de devoir jongler avec tous les pans de son être sans jamais lui laisser la possibilité de trouver le juste milieu qu’on lui exige. Etre joviale mais pas trop, être drôle et loquace mais juste ce qu’il faut… Avoir de l’ambition mais rester à sa place… Vous connaissez la suite. Exister sans grande exagération, au risque d’apparaitre comme une menace pour l’homme. Un monologue d’une puissante acuité est ainsi scandé.
C’est là tout l’esprit de ce film. Un socle féministe dans un écrin de légèreté, pour que le propos marque encore plus puissamment.
Le tout est bien ficelé et l’incursion de cette Barbie, issue du monde imaginaire Barbie Land dans lequel elle est reine, où les femmes sont les maitres : présidente, médecins, physiciennes, jardinières ou encore chef de chantier, et où Ken n’existe que dans le regard de ces Barbies, dans notre « vrai monde » marqué par la suprématie de l’homme est alors source de bien des incompréhensios. Là où Mattel (la maison mère, fondatrice de la poupée Barbie) pensait créer des vocations en mettant sur le marché Barbie chirurgienne, Barbie mathématicienne ou encore Barbie présidente, elle a en fait créé d’énormes frustrations, complexes et autres malaises.
Des aléas et des grands loupés du féminisme…
On dit oui à cette crise existentielle couleur rose bonbon !
Et double oui pour un film qui nous laisse sur un éclat de rire.
Je sors de la salle doublement contente de partager avec cette poupée un prénom et un genre. Il y a encore du chemin mais cette fois, Barbie nous dit qu’il nous incombe de faire notre propre place. Non plus une simple poupée bimbo que l’on habille et déshabille, un guide.
Barbie le leader féministe dont nous avions besoin ? Une deuxième vie débute peut-être.