Polanski est certes un homme un peu âgé (80 ans tout pile) mais est avant tout un réalisateur d’un modernisme assez impressionnant. Je pensais me retrouver, en voyant La Vénus à la fourrure, face à un film un peu poussiéreux (ce que je pense des derniers films de Polanski) mais point du tout : j’ai été emmenée par ce huis clos fin, dynamique, sexy, piquant et pétillant d’intelligence.
Le film s’ouvre sur un plan séquence qui nous guide tout droit vers ce qui semble être un pseudo théatre de quartier : pour ne pas dire, un théatre abandonné. De là, nous pénétrons dans cette antre pour n’en ressortir qu’une heure et demie plus tard, empruntant alors la même porte qu’à l’arrivée avec, en prime, le plaisir d’avoir assisté à un jeu de pouvoir d’une puissance sans commune mesure.
La Vénus à la fourrure joue sur plusieurs tableaux. C’est déjà un roman érotique écrit par Sacher-Masoch (qui donnera son nom au masochisme) adapté pour le théatre par un certain Thomas (Matthieu Amalric dans le film, qui semble être un double de Polanski donc)
L’intrigue commence lorsqu’une actrice vulgos prénommée Vanda (Emmanuelle Seigner donc) entre dans le théatre et demande à passer l’audition. Seulement, elle est très en retard et tout le monde est déjà parti, tout le monde sauf Thomas, le metteur en scène, qui accepte de lui donner la réplique le temps d’une scène.
Il pense d’abord accepter dans le but de s’en débarasser au plus vite (elle est très insistante, comprenez qu’il s’agit là d’une femme déjà, et d’une actrice de surcroit : une vraie plaie donc, forcément !)
Seulement voilà, ce qui ne devait être qu’une simple audition va se révéler être une vraie lutte de pouvoirs, une réelle séance de domination.
Mais qui domine qui ? Là est la véritable question. Là est l’enjeu de ce huis clos.
Au coeur de cette mise en abîme se situe un questionnement sur les relations hommes femmes et sur le rapport de domination qui existe au sein d’un couple mais pas seulement. Se situe également, un questionnement sur le métier d’acteur et sur le rapport de domination qui existe entre le réalisateur et ses acteurs / actrices (Hello Abdel Kechiche, hello Léa : cf toute la polémique autour du tournage de La vie d’Adèle où l’on a entendu que le réal avait malmené ses actrices) et puis, plus largement encore, La Vénus à la fourrure est une très bonne réflexion sur les rapports de domination au sein de notre monde politique, et de notre société.
Si le sexe est sous jacent dans tout le roman / pièce / film, il n’apparait jamais à l’écran et cela semble vouloir nous montrer sa force de suggestion, la force de son pouvoir au sein même de toutes nos actions (bonsoir Freud).
Les acteurs sont géniaux : Emmanuelle a le plaisir de jouer toute une palette d’émotions. Il faut la voir passer de « la vraie Vanda », vulgaire et limitée à la Vanda du roman / pièce qu’elle incarne avec finesse et élégance : une vraie partition riche et complexe s’offre à elle et j’ai trouvé qu’elle relevait le défi avec brio.
Mathieu Amalric est génial, comme à son habitude, en metteur en scène bobo, sûr de lui et de ses principes qui va se laisser peu à peu prendre dans les mailles du filet de cette femme au double visage.
Ah les joies de la tentation, la jouissance procurée par l’interdit : Polanski nous livre tout cela avec cette Vénus envoûtante.
C’est en cela qu’il m’est apparu comme terriblement jeune et moderne : il a tout saisi de cette société qui ne se base que sur des codes, des thèmes, des interdits et des autorisations. Il nous livre ici, une belle démonstration de la complexité de l’être humain : complexité qui se trouve être à la fois très subtile et très animale.
Ne serait-ce pas là le propre de l’Homme d’ailleurs ?