En voilà un film méta sur le cinéma. Il a fait l’ouverture du festival de Cannes 2024, la 77ème édition, et c’est là une excellente idée.
J’ai découvert ce film le soir même de l’ouverture du festival dans une salle qui fermera bientôt ses portes, à jamais, l’UGC Normandie. Preuve que l’industrie cinématographique n’est pas au beau fixe, financière parlant.
Elle ne l’est pas tant non plus humainement parlant, du fait des dérives dénoncées par le mouvement Me Too, qui arrive en France.
Le film de Dupieux arrive à point nommé et surfe sur cette vague de revendications et de bouleversements. Il le fait de façon caustique et cynique.
Le film nous donne alors à voir le tournage d’un film, au sein duquel les acteurs sortent de leur rôle pour jouer leur propre rôle. Quentin Dupieux ajoute une couche additionnelle à cela en insérant une touche de sa propre perception des acteurs qu’il fait tourner (Vincent Lindon, Léa Seydoux, Louis Garrel, Raphael Quenard et Manuel Guillot.) Méta je vous dis ! Une véritable mise en abîme à plusieurs niveaux de profondeur.
Qu’est-ce que jouer ? Etre acteur c’est quoi ? Et surtout, ça sert quoi ? Ce sont là les questions que posent le film.
Est-ce un vrai métier ? La scène qui me reste en mémoire et qui illustre ce questionnement est celle durant laquelle le personnage de Léa Seydoux parle en visio avec sa fille qui lui dit qu’elle joue à jouer des métiers mais que le sien n’en est pas vraiment un. Etre acteur/trice serait-ce alors « jouer à être un autre » et seulement cela ? Vu sous cet angle, ça peut sembler léger, c’est sans compter les émotions qui nous sont données de ressentir face à un (bon) film !
Et le cinéma, c’est tellement plus que ça. Le jeu est clé bien sûr mais le cinéma est l’art des arts et convie tout à la fois la photographie, le théâtre, la musique, l’architecture… Je pense alors à la grande Agnès Varda, pour moi l’archétype de la cinéaste qui a fait des films avec des brics et des brocs (j’entends, sans grand budget) et qui convient l’émotion comme aucuns autres.
Ce « deuxième acte » est un film à plusieurs vitesses qui file à toute allure en fait. En 1h40 on n’a de cesse d’aller d’un personnage à un autre et de se demander à quel niveau de film nous nous situons. C’est tout à la fois déroutant et stimulant, voire haletant ! J’ai vécu ce film à toute allure et avec la sensation de goûter à tout ce que le cinéma peut nous apporter.
Le personnage de Vincent Lindon parle du cinéma qui serait déconnecté du monde et relance le questionnement autour de l’utilité de cet art. Pourquoi continuer à faire du cinéma lorsque le monde court à sa perte ? Ca frôle le grand questionnement de Truffaut qui disait que pour lui le cinéma vaut plus que la vie…
Le film nous laisse au final bien penseur sur les travers de cette industrie et très au clair sur le rôle majeur du cinéma dans nos vies.
Un sacré bon pied de nez à l’industrie et à tous ceux qui la font.