Ce J2 fut réjouissant. Il commença avec le premier long d’Alexis Langlois : Les reines du drame présenté à la semaine de la critique.
Le cinéma d’Alexis Langlois, je l’ai découvert grâce à un ami qui m’a montré deux de ses courts métrages : Les démons de Dorothy et Debout demain.
L’univers et l’atmosphère bien particuliers de son cinéma m’ont de suite séduit. Il dit la folie douce et excentrique de personnes que la société voudrait trop vite invisibiliser et anonymiser. Il leur donne toutes leurs couleurs, leur belle présence. Il dit leurs pensées, leurs coups de gueule et leurs délires. C’est vrai, intense et porteur d’un message d’amour, de liberté et de civisme sans nom.
J’ai tout à la fois été emportée par l’histoire d’amour intime et puissante de ces deux femmes, par la fan attitude du narrateur que par la fin qui ouvre la porte justement à une mise en valeur de cette minorité encore trop fourvoyée par la société qui nous entoure.
Un bel acte politico-romantique doublé d’une oeuvre cinématographique puissante.
L’histoire de Souleymane m’a ensuite emportée.
Une très belle odyssée en plein coeur de Paris. Quelques jours passés avec Souleymane, livreur, qui déambule dans Paris à la rencontre rapide et souvent désincarnée avec les clients à qui il livre leur repas (on parle des livreurs Uber Eats et autre Deliveroo…)
Souleymane sillonne les rues parisiennes au rythme de ses livraisons, il roule et il court. Il est toujours en mouvement et le réal le filme dans ce tourbillon. On sent l’urgence. Sa vie dépend littéralement de ces courses qu’il enchaine au dépend même de sa santé ou de son état de fatigue.
En parallèle, et dès qu’il a un moment de répit ou de repos, Souleymane répète son rendez-vous à venir pour obtenir ses papiers. Lors de ce rendez-vous, il devra raconter son histoire. Il a pour cela suivi les avis entendu ça et là parmi ses comparses de galère et s’exerce à raconter cette histoire.
C’est là le très beau portrait d’un homme en transit. D’un homme qui doit dire son histoire de vie pour espérer enfin en créer la suite.
Limonov, la ballade est le nouvel opus de Kirill Serebrennikov qui m’avait embarquée avec son précédent : Le femme de Tchaikovski qui narrait l’histoire d’une femme se consummant à petit feu.
Il nous livre ici une adaptation du roman d’Emmanuel Carrère (Kirill est un amoureux de la culture française). Je ne connaissais rien de cet écrivain underground qu’était Limonov et c’est avec plaisir que je me suis laissée prendre dans cette folle épopée, celle d’un poète avant gardiste qui devint un belliciste radical.
Une vie faite de contremesure et de discidence. Une vie à contre courant qui n’aura de cesse de viser des extrêmes.
Il donne la sensation de n’être nulle part à sa place et se cherche alors dans tout un tas d’actions et de réflexions.
Le réal filme cela avec verve et brio et nous invite à nous demander si, in fine, tout ce bruit, toute cette agitation, cette quête de lui même ne serait alors pas due à un coeur meurtri, à cette peine de coeur de laquelle il ne se serait jamais remis ?
Le coeur a ses raisons…
Miséricorde
Alain Guiraudie est de la partie et j’en suis ! Youpi.
Sans résa, je parviens à entrer en Debussy pour assister à l’une des très prisées projections du nouveau film de Guiraudie, une star à Cannes !
Son Inconnu du lac figure dans mon palmarès tant il fut une leçon de cinéma à bien des égards. J’aime l’oeil affiné de ce réal sur les personnages qu’il filme. J’aime les intrigues qu’il créé et le côté toujours un peu dérangeant avec lequel il parsème ses histoires. J’aime la ruralité dans laquelle il place toujours ses films et son regard sur les classes populaires voire marginalisées.
Jérémie revient à Saint-Martial pour l’enterrement de son ancien patron boulanger. Il s’installe quelques jours chez Martine, sa veuve. Mais entre une disparition mystérieuse, un voisin menaçant et un abbé aux intentions étranges, son court séjour au village prend une tournure inattendue… C’est là le pitch de ce nouveau film.
Guiraudie a dit : « Pour moi, la Miséricorde plus que la question du pardon, c’est l’idée de l’empathie, de la compréhension de l’autre au-delà même de toute morale. »
Ce nouveau film est une histoire de non-dits avant d’être un quasi thriller. Tout y passe des relations familiales pleines de refoulements, aux gens d’Eglises perdus dans leurs désirs inassouvis.
C’est prenant et empreint d’une grande dose d’humanité. J’aime que les choses soient dites et qu’on ose montrer à quel point nous sommes bien plus que ce que nous représentons. Nous sommes tous empreints de fantasmes sous-jacents, de pensées étranges et gênantes, de secrets… Et cela ne fait nullement de nous des mauvaises personnes ou des « freaks ». Juste des humains en perpétuelle transition et en lutte avec nos diverses facettes, pour se confronter aux réalités de nos sociétés normées et normatives.
Guiraudie forever !