C’est l’histoire d’une femme prête à tout pour sa liberté.
Relisez bien la phrase précédente. Vous avez dû la lire sans vraiment réfléchir à sa portée. Elle peut sonner un peu « cliché », un peu « bateau » pour nous autres français, européens, occidentaux bien habitués à jouir de nos privilèges et des droits qui nous sont donnés à la naissance.
Le fait d’être libre de toute parole et de tout acte (tant qu’il respecte autrui bien sûr, mais le spectre est large) est une chance dont nous ne mesurons pas la véritable portée. Ce film m’a permis de toucher du doigt l’énorme chance que nous avons de vivre en « terre libre ».
La judokate iranienne Leila Hosseini et son entraîneuse Maryam se rendent aux Championnats du monde de judo avec l’intention de ramener sa première médaille d’or à l’Iran. Leila est super entrainée et parmi les meilleures. Sa rage de vaincre l’habite comme jamais. Elle veut gagner, pour rendre fiers son mari – son premier soutien – leurs fils, ses parents et ses amis qui l’encouragent depuis toujours, même à distance. Elle le sait, elle va gagner et ce ne sont pas les quelques 300 grammes qui risquent de l’éloigner du tatami qui lui font peur. Elle les perd d’ailleurs en 20 minutes top chrono, juste avant d’entrer sur le ring. Elle est prête.
Les tours passent et elle met à terre toutes ses adversaires les unes après les autres. Alors qu’elle approche de la finale et possiblement de la possibilité de se retrouver face à la judokate israélienne, elle et sa coach reçoivent des intimidations : Leila est sommée de feindre une blessure et de se retirer de la compétition.
Mais ces menaces issues des hautes sphères de la République islamique sonnent creux aux oreilles de notre Leila qui, habitée par l’esprit et le mental des plus grands champions, ne se voir reculer devant rien. Aucune adversité ne semble pouvoir lui faire peur. D’autant que son mari la soutient avec une force équivalente à l’amour qu’il a pour elle. Leur relation est d’une pureté et d’une beauté sans nom. Ils s’aiment dans tous les aspects de leur vie aussi bien dans la sphère sociale que privée et intime.
Forcément, lorsque la menace se rapproche, le doute s’infiltre. Il est mu par la peur de voir ses proches disparaitre ou maltraités. C’est à ce point, oui. Mais Leila est combative et résiliante. Elle a la rage de vaincre.
En ce sens le film qui va chercher ses références du côté de Raging bull et La Haine ne recule devant aucune difficulté, et ce huis-clos en noir et blanc tourné en Géorgie au format carré est une pépite du genre tant il nous emporte dans ce tourbillon de sport et de force mentale.
Si la façon dont est tourné le film veut dire l’enfermement (le format carré), tout ici hurle la hargne, la lutte.
La lutte pour la liberté et pour la dignité. Pour avoir le droit de rester celle que l’on est.
La co-réalisatrice du film Zar Amir (rencontrée à l’issue de la projection, ndlr) a à coeur de dire ce besoin de rester digne et soi-même. Pourquoi ne serait-ce pas là l’apanage de toute les femmes sur cette Terre ?
Le film dit aussi la complicité entre deux générations de femmes : celle qui a baissé la tête par peur de sanctions (et on peut les comprendre si aisément, où irais-je trouver le courage de me battre pour mes idées et pour ma liberté si j’étais dans la situation de Leila… moi si habituée à mes privilèges ?), et celle qui grandit avec les réseaux sociaux et avec eux la possibilité de voir ce qu’il se passe ailleurs…
Face à elles : une bande de vieux mâles sans aucun doute apeurés par la puissance sous jacente de la gente féminine pour vouloir les laisser vivre à l’étouffée de la sorte.
Ils ont gagné bien des combats. Mais nullement la compétition finale.
Car c’est une question d’endurance, pas un sprint. Et tout est une question de mental.