AMHA (A Mon Humble Avis), Festivals de Cinéma

Diamant brut

Posted by Barbara GOVAERTS

« Je ne suis pas normale, je le sais ».

C’est là un cri du coeur que déclare Liane lors d’un casting pour intégrer la troupe de participants qui feront la prochaine saison de la téléréalité en vogue.

Car le rêve de Liane est bel et bien d’être aimée. Et pour cela elle en est certaine, participer à Miracle Island (la dite téléréalité à la mode) est la solution.

Liane a les raccourcis faciles ! Selon elle, seuls les gens beaux réussissent : ils sont bien dans leur peau, donc heureux, donc faciles à vivre et donc le succès s’offre à eux.

Faire de la téléréalité implique de devenir célèbre et qui dit être célèbre dit être heureux !

Sa naiveté a autant de charme qu’elle peut nous inquiéter sur sa façon d’appréhender le monde. Qu’adviendra t-il d’elle une fois jetée en pâture dans ce monde frivole et violent.

Car une chose est certaine. Liane a beau revêtir tous les atours de la jeune femme facile, il n’en est rien. Disons le clairement, elle est vierge et il n’est pas encore né celui qui lui mettra les mains dessus. Plus délicatement amené encore, elle a beau s’exprimer de façon vulgaire, elle a les idées claires et une certaine délicatesse innée. Disons le clairement, elle est sans doute trop pure et droite pour ce monde abrupte.

J’aime que la réalisatrice aille sur ce terrain. Dans cette société normée, on s’attend à ce que chacun d’entre nous soit le reflet stéréotypé d’un modèle pré-défini. Or nous sommes tellement plus que ce que nous représentons physiquement.

En ce sens, « Je ne suis pas normale, je le sais » est sans aucun doute la phrase qui m’a le plus touchée dans ce film. Il dit tout de cette jeune femme aux aspirations somme toute simplistes mais bien définies. Elle a conscience de ce qu’elle représente aux yeux de la société mais ne s’est jamais abaissée à aller là où elle ne veut pas aller, là où elle ne se sent pas encore prête à aller.

Liane vit avec sa mère et sa petite soeur, à Fréjus. Sa mère enchaine les petits copains et oublie de régler le loyer. Aucune connexion réelle avec ses filles, aucune protection apportée. On découvre très vite que Liane a dû, et doit ne pouvoir compter que sur elle même. Elle a depuis longtemps déjà compris qu’elle devait penser à la suite, quitte à laisser derrière elle sa petite soeur adorée. Qu’elle devait sauver sa peau et penser à son futur. Un futur non garanti.

Il est ainsi question de déterminisme social dans ce premier film présenté en mai dernier en compétition officielle, au festival de Cannes.

Comme son titre, le sujet du film est âpre, traité sans fioriture aucune. Mais également sans complaisance et, fait important, sans aucun jugement vis à vis de son héroïne. La barrière était fine pour ne pas la rendre ridicule, et de ce point de vue là, la réalisatrice s’en tire haut la main.

L’engagement humain y est bien amené et j’ai de suite eu de l’empathie pour Liane que j’ai à tout instant envie de prendre par la main pour l’emmener vers son rêve. Plus qu’un rêve c’est là un projet qu’elle chérit et qu’elle mène, et pour cela, j’ai aimé qu’elle nous soit présentée comme ayant la tête sur les épaules. Tout aussi superficiel son rêve / projet puisse nous sembler, elle le porte à bout de bras et c’est terriblement louable : gestion de son image en adéquation avec la recherche, projets diversifiés pour augmenter le nombre de ses followers… Elle nous apparait comme étant déjà la chef de son auto-entreprise qu’elle souhaite être ! En cela on ne peut que lui souhaiter d’avancer vers ce rêve haut en couleurs. Nulle doute qu’elle est armée pour y faire sa place, et ce ne sont pas ces quelques vieux beaufs en manque d’excitation ou encore des directrices de casting trop zélées qui voudraient trop vite la mettre dans le lit de quelques minets en quête de buzz, qui viendront lui barrer le chemin.

Car Liane avance d’un pas décidé, cloques aux pieds, mais droite et puissante de cette rigueur intérieure qui l’anime.

De l’art d’incarner le respect de soi.

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