Je vous l’avais bien dit, Cannes ça ne s’arrête jamais !
J’ai eu la chance d’assister à l’avant-première du dernier film de Sofia Coppola : The Bling Ring qui avait fait l’ouverture de la sélection Un Certain Regard au Festival de Cannes (quand je vous dis qu’on ne quitte pas Cannes si facilement !)
J’ai eu le plaisir de me rendre donc dans les locaux de Pathé situés à proximité des Champs Elysées et plus particulièrement dans les bas-fonds du QG de Pathé, comprenez THE salle de projection (située au sous sol de l’endroit)
Un vrai régal !
J’aime toujours cette sensation assez incroyable qui précède la découverte des films, lorsque la lumière s’éteint et que l’on ne sait pas à quoi s’attendre. Boostée par toutes les découvertes récentes que j’ai eu la chance de vivre ces derniers temps, cette sensation n’en fût qu’amplifiée cette fois-ci.
Et quelle découverte ! Derrière son aspect de petit film pour ado à la sauce 90210 (les fans comprendront) The Bling Ring frappe assez fort. J’ai été emmenée par cette bande de jeunes voyous des quartiers riches de LA au point d’avoir l’impression de faire les « casses » avec eux.
The Bling Ring, vous ne voyez pas de quoi je parle ? Il s’agit de l’histoire vraie de 5 jeunes ados des quartiers huppés de Los Angeles qui ont, des mois durant, dévalisé les maisons de stars telles que Paris Hilton, Lindsey Lohan et j’en passe. Et oui, à chaque génération ses propres icônes !
Si vous connaissez le cinéma de Sofia, vous ne serez donc pas surpris par son choix de s’emparer de ce fait divers. Elle qui a pris le parti de filmer la jeunesse, l’adolescence sous tous ses aspects.
l’équipe du film et la réalisatrice lors de la montée des marches à Cannes
Thème qui mérite d’ailleurs qu’on s’y arrête quelques instants tant il revient souvent au cinéma ces derniers temps. Rien qu’à Cannes la jeunesse a été adulée, fortement représentée et encensée : Jeune & Jolie, La vie d’Adèle et j’en passe et l’on se souviendra longtemps du magnifique discours de remerciement d’Abdellatif Kechiche qui a remercié « cette belle jeunesse de France ». Quel plus bel hommage et symbole en ces temps où l’optimisme n’est qu’un lointain souvenir pour bon nombre d’individus. Croire en la jeunesse c’est croire en l’avenir et c’est forcément signe de positivisme.
Sofia, elle, voit les choses de façon plus sombre, dans la mesure où elle dénonce les méfaits de la société actuelle et les effets néfastes qu’elle peut avoir sur les adolescents : période de vie, j’en parlais récemment via le dernier film d’Ozon Jeune & Jolie, difficile et délicate.
Sofia Coppola dénonce avec force cette société de consommation qui entraine bon nombre d’ados dans tout ce qu’elle a de plus malsain : course effrénée à la notoriété, à l’argent et au glam’.
C’est le cas ici de ces jeunes, pourtant gâtés (sans doute trop ?), qui ne recherchent que la jouissance immédiate des choses, des objets.
En allant fouiller les dressings des stars, ils ont en tête l’argent facile que cela peut leur apporter, les fringues et autres accessoires qui leur permettront d’entrer dans la peau de leurs personnalités préférées mais surtout la notoriété engendrée par ces casses.
Il y a là une volonté forte de s’identifier aux starlettes qui peuplent les magazines people et autres émissions de téléréalité.
Le film peut sembler simpliste au début dans la mesure où l’on ne fait que suivre la troupe dans leurs pérégrinations nocturnes (ai-je le droit d’avouer que j’ai quand même fantasmé sur les dressings des stars en question ? Les shoes de Paris Hilton je les veux moi, même si elles sont en 44 ! Et que dire des sacs de Miranda Kerr…) Voilà qui fût l’instant girly superficiel forcément mis à l’épreuve face à un tel film. J’ai d’ailleurs appris en lisant le dossier de presse qui nous a été remis en amont de la projection que l’équipe avait vraiment tourné dans le maison de Paris Hilton : il s’agit de son vrai dressing et de ses vraies affaires. C’est assez sympa je dois dire de sa part de jouer de la sorte avec son image : elle passe ainsi du statut de victime réelle (dans la vraie vie) à celui de victime virtuelle (dans le film). Je trouve cette petite mise en abyme intéressante dans la mesure où elle vient tout à fait contribuer au sujet du film qui n’est autre que de nous amener à réfléchir sur notre relation à ces stars qui nous semblent à la fois si proches (la téléréalité laisse entendre qu’il est désormais possible à tout un chacun de rejoindre le cercle fermé des people) et si éloignées de nous (leur statut déjà, mais aussi leur style et leur niveau de vie créent malgré tout un fossé).
Mais bien évidemment, Sofia ne s’arrête pas là : grâce à des plans serrés et rapides (merciiii tu as écouté mon conseil !), des dialogues parfois incisifs et des (jeunes) acteurs (coup de cœur pour le jeune homme) tous justes, elle parvient à exprimer tout le mal être de l’adolescence, la perte de repère et la dangerosité de tant de puritanisme ambiant (ne faisons pas les malins, nous avons bien d’autres travers en France).
Ce film est puissant et dénonce les méfaits de ce monde qui a perdu ses valeurs. Ce monde qui nous fait croire que tout s’achète et que tout se vend. Ce monde qui nous fait croire que c’est en possédant toujours plus que nous serons plus heureux. Ce monde qui donne accès à tout, tout de suite. Ce monde télévisé et « internetisé » qui nous permet de tout savoir, sur tout le monde, en temps réel.
Et plus fort encore, le film vient nous montrer que nous sommes face à un cercle vicieux assez opaque et dangereux qui nous pousse (Sofia parle des ados mais, plus largement, nous sommes tous concernés) à consommer toujours plus, par quelque moyen que ce soit et ce, pour combler un manque certain.
Pour combler le vide et le néant de vies dénuées de tout sens.
Un sujet décidemment bien sombre pour un film si girly, si shiny et à la BO entrainante.