Ce qui frappe déjà, outre les qualités d’écriture du scénario, c’est la beauté des plans et la délicatesse qui émane des personnages. Albert Dupontel, à nouveau derrière et devant la caméra, sait définitivement sublimer les gens qu’il filme. Il leur donne un éclat.
Or, de l’éclat, en cette période plus que troublée, on en a bien besoin.
Virginie Efira déjà – et je sais que nous sommes d’accord – est meilleure de film en film et étoffe sa palette de jeu avec brio. Elle nous apparaît ici tout à la fois fragile et vaillante dans ce qui pourrait être un ersatz du Petit chaperon rouge qui mène l’enquête.
Elle est divine et si gracile !
A ses côtés le sémillant Albert Dupontel qui aime à incarner les losers magnifiques, les abrutis gentils, se met ici dans la peau d’un geek débordé et dépassé par les événements d’une société qui déclasse les moins bouillonnants, sans grand état d’âme.
Et puis le handicapé, reclus, mis au banc d’une structure sociale en panne qui ne veut voir que l’élite, et ne supporte pas d’avoir à gérer les gens en marge. Impeccablement interprété par Nicolas Marié.
C’est ce trio là, un trio de rebus d’une société qui se veut inclusive lorsqu’elle ne fait que limiter, diviser et appréhender, qui se lance dans une course poursuite contre la montre, contre la mort.
Il y a de la colère dans cet opus et l’on sait Albert Dupontel remonté contre les méfaits des « cons » de ce monde. Ici ce sont les nantis, les patrons, les flics et leurs agissements les plus vils qui sont passés au microscope.
On le sait assez sévère vis à vis des institutions et il montre au travers de ce film qu’il est tout à la fois anti-social et très humaniste. Non pas que le film soit binaire, car il convoque toute une foultitude de sentiments et d’idées mais il entend bien rappeler que les institutions de notre société, forcément malades, sont capables par exemple de se séparer d’un employé dévoué en un rien de temps et sans état d’âme. A la limite de la caricature parfois, le réalisateur veut dire les manquements majeurs et certains de ce(ux) qui devrai(en)t tenir nos destins entre leur(s) main(s).
Plus que de la loufoquerie c’est avant tout une volonté d’illustrer avec précision le tout-venant de notre monde. On est alors à mi chemin entre les Temps Modernes et les Monthy Python pour le côté socialo-imagé et cartoonesque d’une situation qui ne fait que déraper.
Parfois accusé par certains d’être un peu trop binaire, Dupontel dit aussi la dualité existante entre l’importance de « faire du commun » et celle de se construire une identité propre et forte marquée par un esprit critique affiné : seule arme pour faire face à ce monde capable de vous happer en un rien de temps. Il en faut de l’abnégation et du courage pour ne pas tomber dans les méfaits d’une société qui favorise la peur, génère des tensions et agrège les données comme autant de preuves irréfutables capables d’emmurer l’humain. Se pose la véritable question de notre liberté à tous et à chacun.
Si le propos est parfois un peu caricatural, j’ai trouvé que l’admirable naturel et la spontanéité avec lesquels Dupontel anime son film faisaient le lit d’un manifeste pour la cause commune. A juste titre, il entend insister sur l’urgence de faire front, ensemble, pour maintenir à flot un monde qui court à sa perte tant il se claquemure dans un gouffre individualiste. S’il est indispensable de prendre le temps de se connaitre soi même pour justement se forger un esprit critique, c’est bien pour sortir de cet élan individualiste et rejoindre la grande cause commune de l’Humain. Les êtres sociaux que nous sommes ne sont rien seuls, il nous faut prendre en considération l’Autre pour avancer. C’est là le message somme toute humaniste qu’Albert Dupontel semble vouloir nous partager.
Du bon usage et du savant dosage de la mélancholie, de la colère, de l’humour et du mélo pour dire les turpitudes de notre monde.
« Câlin ».