Le plan d’ouverture dit déjà tout. Ce second opus nous offre une plongée au coeur de cette cité de Monfermeil.
Bis repetita me direz-vous ? Nullement.
Ladj Ly signe ici son second film, numéro deux de la trilogie qu’il débuta il y 4 ans avec le tonitruant Les Misérables (un choc ciné pour ma part, vu au 9h des Halles le jour de sa sortie en 2019, puis 3 autres fois au cinéma) dans lequel il nous proposait une incursion au sein de la cité dans laquelle il a grandi à Montfermeil, nous ouvrant alors les yeux, par le biais de cette fiction documentée, sur les réalités du quotidien de ses habitants et des nuisances subies par les violences policières, faisant partie si ce n’est de leur quotidien, de leur vie et de leur réalité du moins.
Et il n’a pour autre but que de vouloir appuyer et approfondir son propos.
Il nous plonge à nouveau, à l’aide de son drone cette fois encore, au coeur de sa cité mais plus précisément au coeur même de son bâtiment, le numéro 5, pour dire cette fois la crise du mal logement. Et c’est peu dire que Ladj et sa caméra chevillée au corps et au poing, frappent à nouveau un grand coup.
Il dit tout à la fois la violence, le ridicule et l’incohérence des politiques de la ville qui se succèdent et se ressemblent. Sous couvert d’un relent de racisme ambiant, l’édile et son équipe ne se préoccupent jamais de leurs administrés, seule la rentabilité compte et avec elle l’envie de se débarrasser – le terme n’est pas trop fort – de ses habitants, pour renouveler (que l’idée est nauséabonde) la population et ainsi élever le niveau socio-économique de la ville. Ce monde qui en a oublié l’humain au profit de l’argent.
Ce qu’il faut comprendre c’est que Ladj narre ici l’histoire de ses parents alors propriétaires de leur appartement acheté à un taux exorbitant, laissé à l’abandon et jamais entretenu encore moins rénové par la ville. Appartement duquel ils ont été délogés sans ménagement. La résultante abjecte de la politique de la ville dont je vous parle plus haut.
Comme à son habitude Ladj Ly joue sur le double tableau de la fiction et du documentaire pour fixer encore plus fort son propos.
Et quelle claque !
Sa dénonciation est implacable. On sent toute la verve, l’émotion aussi qui sont les siennes pour dire ce sujet social majeur. Il existe en France, des populations laissées à l’abandon.
S’il filmait la moiteur de l’été dans Les misérables, il filme ici le froid hivernal, celui qui vous glace le sang lorsque vous n’avez pas de toit ou pas l’argent nécessaire pour vous chauffer suffisamment. Et son message semble alors résonner d’autant plus fort.
Reste un second grand film entre ciné vérité et force de propos, le grand réalisateur qu’il est déjà réussit un nouveau tour de force tant il parvient à illustrer la vraie vie des banlieues sans caricature ni fioriture.
Notre société va mal, c’est indéniable c’est un fait. Tout porte à croire que nous sommes nivelés vers le bas. L’émergence de Ladj Ly prouve s’il en faut qu’il convient de toujours rester positif. Du mal et du chaos émergent toujours des lumières. Son actrice principale et lui même sont de ceux là. S’il ne se présente jamais comme tel, Ladj Ly est sans aucun doute un phare dans la nuit, un guide pour les personnes qu’il représente à l’écran, à qui il entend redonner leur dignité. Celle qu’ils méritent, comme tout citoyen, et que la république française leur a prise, depuis longtemps.