Voir Camille Claudel 1915, la dernière oeuvre de Bruno Dumont (que j’avoue avoir découvert alors que tout le monde semblait conquis par la force déjà fortement reconnue de ses films) m’a fait prendre conscience à quel point il existait différentes formes de cinéma.
Réflexion certes sans doute simpliste mais qui m’a au fond permis de réaliser que le cinéma nous nourrissait définitivement par des moyens divers et variés.
Par le rire, les pleurs, l’effroi et toutes les émotions qui se cachent bien au fond de nous.
Ces émotions sont « offertes » différemment selon que nous sommes face à une comédie, un film d’époque, un documentaire ou encore un film d’horreur… mais dans tous les cas les émotions se diffusent.
Plus habituée je dois l’avouer, et ce n’est pas si mal au fond, à un cinéma grand public, j’ai tout de suite été intriguée par cette version de l’histoire / de la vie de Camille Claudel, cette féministe avant l’heure, cette femme née à la mauvaise époque, cette femme digne jusqu’au bout, cette femme forte et passionnée mais finalement si fragile et jetée aux lions pour avoir trop aimé.
On est ici face à un cinéma brut et âpre. Pas de musique, la luminosité de la Provence certes mais masquée par le mistral qui vient presque vous fouetter le visage comme pour vous rappeler aux duretés de la vie. Pas de couleurs : du noir, tout au mieux du gris, pas de paroles ou très peu mais des cris, les cris de ces gens appeurés, appeurés et enfermés.
La terreur sous toutes ses formes. Et parmi cette misère et cette folie, un visage ; celui de Camille Claudel qui tente de résister aux hostilités de la vie – la vie qui semble pourant si loin derrière les hauts murs de cet asile, maison de santé appelez cela comme vous voudrez.
Vous voyez un peu le topo ?
Juliette Binoche prête ses traits tirés et son regard embué de tristesse à cette Camille Claudel en fin de course, épuisée et ébranlée par son histoire d’amour chaotique avec Rodin qui l’aura laissée comme mort vivante, incapable de créer et à deux pas de la folie.
L’interprétation est stupéfiante, bouleversante et a réveillé encore plus cet amour que j’ai pour le cinéma. Là clairement, il ne s’agit en aucun cas du film que l’on décide de voir pour se changer les idées mais d’un film sans fioriture aucune, au sujet puissant qui ne nous épargne rien de la dure et triste réalité qui frappe parfois.
Mais au final, même si les images sont dures, parfois difficiles à supporter, elles sont montrées avec une telle délicatesse, un tel respect qu’il devient clair que rien ne vaut parfois le fait de montrer cette réalité aussi dure et insuportable soit-elle… si l’on y porte un regard doux et bienveillant il y a fort à parier que le résultat sera à la hauteur du pari : apporter un peu de douceur à l’enfer.
Paris tenu avec ce film qui offre bien plus de douceur, de pureté et de générosité que bien d’autres oeuvres plus « polies ».