Cannes, mon jour 2.
Me voilà donc qui reprends ce rythme typiquement cannois où je règle mon réveil avant 7h (il n’est jamais trop tôt ou trop tard pour le cinéma, de même qu’il ne fait jamais trop chaud ou trop froid pour aller en salle.)
Direction la salle du 60ème (pas la plus belle mais, c’est tout de même un plaisir d’en fouler le sol pour découvrir le film du chinois Jia Zhang-ke LES ÉTERNELS dont je découvre ce jour le cinéma puisque j’avais manqué son Au delà des montagnes qui avait fait parler de lui il y a 2 ans ici.
La chine donc et sa société en mutation. Ses usines qui ferment et laissent sur le carreau des ouvriers dépourvus de tout. Une société qui bouscule les codes, va sans doute trop vite et oublie de s’adresser à tous ses concitoyens. Nous ne sommes pas à Shanghai mais dans ses faubourgs, dans une petite ville (plus d’un million d’habitants !) des alentours.
Voilà ce que dépeint ce film fresque qui court sur une petite 20aine d’années (il s’ouvre en 2001 à l’aube du nouveau millénaire pour se terminer en 2018 et illustre ainsi la très rapide mouvance d’une société et l’importance capitale dont il faut faire preuve vis à vis des institutions qui régissent un pays.
Mais plus encore que cela, c’est d’amour dont il est question – comme si souvent au cinéma – et de l’histoire d’un homme et d’une femme.
Elle, est d’abord incandescente, au port altier et à l’allure de chef. Elle ne semble être effrayée par rien et pour cause, elle évolue dans le milieu de la pègre.
Lui, chef de bande et de gang est taiseux et sait jouer des poings lorsque le besoin se présente à lui. C’est une huile locale et à eu deux, ils jouissent du pouvoir que leur statut leur donne.
Ensemble, ils ont l’air et se sentent invincibles comme autant d’amoureux portés par la puissance de leur union.
Le jour où un accident a lieu elle endosse le crime pour lui. Il faut voir cette scène où elle sort de la voiture, sans un mot pour voler au second de son amour. Grandeur et charisme. Acte alors ultime servant la cause de l’amour et du respect qu’elle a pour lui. De l’adoration même.
Le tout est englobé dans un film de Cinéaste qui aime le cinéma et le maîtrise à la perfection pour en reprendre certains codes et classiques. Je pense alors à Pulp Fiction lors d’une scène de danse endiablée où le couple (maudit ?) irrigue la piste de leur fougue amoureuse.
Car le film a des accents « pop », parfois « néonisés » marqués par un parfait mix de musique populaire occidentale du type YMCA et de chansonnettes chinoises mélodieuses et douces.
Sans parler de coup de cœur, le film a su m’attirer vers lui et me retenir (alors que je piquais du nez au bout de 15 minutes, j’admire la prouesse d’un cinéaste qui parvient à me sortir du sommeil !)
Je garde en mémoire la puissance de ce portrait de femme forte dans sa fragilité et faible dans sa puissance. Elle incarne à merveille cette dualité, celle des femmes de voyous qui évoluent dans un milieu où il faut à tout prix gagner le respect et savoir le garder ! En cela, même à bout de force que l’on imagine physique et mentale de part les épreuves qu’elle rencontre, elle garde à chaque instant un éclat et une fougue. Car le film raconte cette chasse. Cet homme et cette femme qui ne parviendront jamais à se retrouver et ce, malgré l’amour qui les unit. Plus ciné-génique tu meurs !
Comme dans la dernière partie du film qui dit toute la douleur ressentie face à la trahison de l’être aimé et l’abnégation dont il faut faire preuve pour revenir. Pour demander à être aimée à nouveau, pour avouer la douleur ressentie. En ce sens, le film est tout à fait l’illustration de la solitude, d’une chute et cette merveilleuse scène de fin le dit de façon si poétique. On ne la voit plus elle même mais juste son image sur une caméra de surveillance. Elle existe toujours bel et bien puisque la caméra parvient à la filmer mais elle nous apparaît alors comme floue, distante et brouillée.
Pas d’étincelle mais une vraie et belle expérience de cinéma.
S’en est suivi une mini insurrection. On célèbre les 50 ans de Mai 68 ou pas ?
Le cinéaste Christopher Nolan donnait une MasterClass animée par Philippe Rouyer, ce critique cinéma que j’aime énormément (Positif, Le Cercle, Psychologies etc). C’est donc bien motivée que je me décide à faire la queue 2h17 exactement avant l’heure de lancement de cette master class. Ce n’est pas tous les jours que j’aurai le plaisir d’écouter parler un réal US, un bon si plus est, est ma motivation est grande ! La déception le sera tout autant lorsque au moment de l’entrée en salle, seuls les journalistes et les invités ont l’autorisation d’accéder, faute de places dispo dans la salle. Rageant ! Et plus que ça encore, une vraie déception. Comprenez aussi que Cannes est un microcosme et un monde à lui seul et en son sein ce type de refoulement est péniblement vécu car notre quotidien tourne autour de ces événements forts et de ces projections qui nous apparaissent alors comme le cœur de la mission à effectuer ici. Tout un groupe de mécontents auquel je me suis de suite greffée a fait entendre son mécontentement face à ce qui nous a semblé être une réelle injustice. Rageant oui.
J’ai fini la journée avec Marion Cotillard et sa troupe. Un bon remontant je dois dire. Elle venait présenter, à Un Certain Regard le film de Vanessa Filho, GUEULE D’ANGE Elle nous est alors apparue belle et classe à la différence de son rôle qui lui donne à incarner une cagole / bimbo alcoolo incapable de s’occuper de sa fille de 11 ans – sa « gueule d’ange » alors laissée pour compte. Si le film est un peu trop brut à mon gout et que Marion C surjoue à certains moments, c’est surtout grâce à l’interprétation de la petite fille (un visage doux à la Clémence Poésy avec une once de rebel attitude en plus) et surtout à celle d’Alban Lenoir que le film est réussi. Il a peu de scènes mais distille une vraie belle présence, une douceur (dans ce qu’on perçoit comme étant une certaine brutalité) et humanité. Et je parle aussi bien de son personnage que de l’acteur lui même. Il incarne tout cela. Marion C est absente de la seconde partie du film et c’est en soi une bonne idée de scénario. Preuve de la force d’incarnation de son rôle, elle brille par son absence durant cette partie. Elle imprègne la pellicule alors qu’on ne la voit pas. Assez bluffant. Un film brut. Peut-être un peu trop au point de le dénuer d’émotions.
Le film sort très prochainement en salles.