C’est à Paris que j’ai vécu la première étape de ce qui sera mon 6ème Cannes. Lui et moi on commence un peu à se connaître, l’histoire devient sérieuse et est toujours empreinte de passion et d’un amour véritable et profond. Il représente ce que j’aime le plus au monde, cette ouverture sur le monde, sur l’autre. Ce regard posé sur toute une foultitude de personalités diverses et riches. L’assurance de poursuivre cet apprentissage du Cinéma, l’assurance de vivre quelques jours dans cette bulle qui rend le cinéma encore plus intense et vivant. La possibilité de vivre dans cette ville monde qui fait se mêler les cinéphiles du monde entier.
C’est donc à Paris que j’ai eu le plaisir d’assister à la première montée de marches de cette 71ème édition, celle de tous les dangers si l’on en croit les articles de presse que l’on peut lire sur le sujet. Le festival des interdits : pas de selfies sur les Marches (trop commun et vulgaire le selfie !), pas de Netflix dans les salles, plus de séances du matin, en exclusivité, pour les journalistes (qui découvriront désormais les films en compétition le soir même, lors de la projection officielle et ce, pour éviter les révélations positives ou négatives (surtout les négatives) partagées sur les réseaux sociaux qui tendaient à rendre ces séances officielles du soir moins attrayantes*). Et puis c’est aussi le premier Festival post affaire Weinstein qui s’implique plus que jamais dans la lutte contre les violences faites aux femmes et, par le biais notamment de la présidente du Jury Cate Blanchett, féministe engagée, fera la lumière sur les femmes du monde entier, leurs luttes, leur travail, leur vie. Mais c’est surtout le festival de la nouveauté avec la présence d’une jeune génération de cinéastes en compétition officielle pour la toute première fois dont une jeune kényane qu vient présenter son film déjà censuré dans son pays. Cannes c’est cette ouverture là, aussi et surtout.
Une tout première montée des marches donc marquée par la présence du couple glamour Pénélope Cruz et Javier Bardem venus présenter aux côtés de leur réalisateur iranien Asghar Farhadi et l’équipe du film : EVERYBODY KNOWS, film d’ouverture et premier film en compétition.
Pas de palme de mon côté pour ce film qui reste très clairement un film de cinéaste et de cinéma, il ne fait aucun doute sur ce point. Il sait filmer les scènes de joie comme ici ces scènes de mariage ou la joie dépeint la pellicule et parvient à faire monter la tension avec brio. Je l’entendais dire dans une émission de radio que sa pire angoisse était de voir des spectateurs quitter la salle face à ses films et qu’il faisait tout pour que cela ne puisse se produire. Je lui reconnais cette maestria de parvenir à nous scotcher à nos sièges par le biais d’une atmostphère toujours bien maîtrisée et de touches de polar ou de thriller bien distillées. Il connaît le cinéma. Mais le plaque peut-être trop. Je veux dire qu’il gère sa mise en scène avec une telle précision qu’on en devine toute l’intrigue. Et je me sens parfois un peu prise au piège de ces histoires de famille, de ses secrets générationnels qui tendent quelque peu à me gonfler ! Sa direction d’acteurs est excellente et après cet Escobar qui réunissait déjà le couple Cruz Bardem à l’écran et les laissait en totale roue libre, je dois dire qu’il m’a été agréable de les voir ici chacun dans leur rôle, sans cabotinage et avec une vraie profondeur de jeu.
Ce film au final semble vouloir nous dire que si le passé ne nous appartient plus, qu’il regorge de tous ces secrets, ces non dits, ces affaires non réglées et ces douleurs parfois lanscinantes, le présent et le futur, eux, sont à nous et portent en eux la possibilité de réécrire l’histoire, l’Histoire.
Un message délicat et enthousiasmant au même titre que celui distillé par ce cher Edouard Baer qui a une fois de plus embelli la cérémonie d’ouverture de cette 71ème édition du festival de Cannes en parlant tout à la fois de volonté, de création, de créativité, d’ouverture (d’esprit et de portes) et de cette vie qui nous est prêtée et à laquelle il nous faut rendre grâce. À laquelle il nous faut donner un peu de folie, d’envergure, de douceur et d’épaisseur. Cette vie en laquelle il faut croire. Tout cela sous un air de piano et d’accordéon qui nous dit la douceur et la joie et la promesse du bonheur offert par un travail rondement accompli.
Et puis le bonheur du partage dans une salle de cinéma.
De l’incarnation de la vie et du cinéma. Un grand et beau discours.
Très belle quinzaine à tous ! Que vous soyez sur place, devant votre télé ou en direct sur les réseaux. Le cinéma est là, au coeur de nos vies et c’est en soi une vraie belle nouvelle.
Que Dieu prête vie à cette 71ème édition comme l’a si bien dit Edouard !
*Les séances du soir sont celles que nous voyons à la télé, qui font suite à la montée des marches quotidienne. De la volonté de rendre tout son glam au Festival de Cannes nous dit la Direction du Festival.