Une journée placée sous les auspices du cinéma français. La beauté du cinéma français.
Tout d’abord ce Portrait de la jeune fille en feu. Un film signé Céline Sciamma qui a obtenu le Prix du scénario.
Céline Sciamma tient une grande place dans mon cœur de festivalière tant son « Bande de filles » que j’avais découvert à la Quinzaine fut un choc cinéma. Sciamma est passée maître dans le fait de porter à l’écran les turpitudes de l’adolescence. Ses émois aussi. Elle filme désormais et pour la première fois deux femmes. L’une peintre, l’autre jeune fiancée tout juste sortie du couvent pour épouser son mari, un riche héritier milanais. Nous sommes à la fin du 18ème siècle et loin de prendre en compte les désirs des femmes.
Céline Sciamma filme alors la naissance d’un amour. Un amour qui prend vie dans le regard que pose la peintre sur son modèle qui en retour pose le sien sur la peintre. C’est très doux et de prime abord classique. Peut-être même trop. J’ai d’ailleurs douté un instant pensant alors qu’elle nous offrait là un film assez consensuel et sommes toute classique. Je n’aurais pas dû douter.
C’est alors que son film, un tableau en soi, s’envole véritablement pour filmer l’amour avec une puissance telle qu’il me fut impossible de ne pas avoir la chair de poule et les yeux humides.
Sciamma parvient à imbriquer sensualité et naturalisme dans un film d’époque qui répond en tous points aux exigences du genre. Avec un supplément d’âme.
Cette histoire de « page 28 » m’a bouleversée. La réalisatrice parvient avec une maestria que personne ne pourrait renier à créer une véritable émotion, qui s’est emparée de moi. Un plan fixe, une actrice, une peinture et Sciamma ébranle mes certitudes et l’aplomb avec lequel j’avais approché ce film.
Enfin, c’est admirative que j’ai quitté mon siège du Grand Théâtre Lumière.
Admirative de la puissance que Céline Sciamma a donné à son film au fur et à mesure qu’il avance. Son film est une peinture en soi : une esquisse délicate sur laquelle le maître appose des formes, des couleurs et des mouvements. Il y a un début tout à fait classique, suivi d’une montée en puissance qui mène à une explosion d’émotions. Un feu d’artifice en somme.
Un orgasme de cinéma.
Par le plus grand des hasards, mon chemin m’a mené jusqu’à la conférence de presse du nouveau film de Gaspar Noé starring Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg. Je n’avais pas vu le film (voir Jour 3) mais ai suivi avec enthousiasme et intérêt cet échange entre le réal et ses deux actrices et une poignée de journalistes venus du monde entier.
Comme à son habitude, Gaspar est assez loquace et très enclin à parler de son processus de travail. Charlotte est en retrait et Béatrice trop en avant !
Cet échange assez bien construit me donne alors une véritable envie de découvrir cet OFNI de 50 minutes qui raconte les péripéties d’un tournage difficile, avec, apprend-on Charlotte et Béatrice dans leur propre rôle.
La soirée débute dans une file d’attente pour accéder à la projection du nouveau film de Christophe Honoré qui revient cette année dans la sélection Un Certain Regard (il était l’an dernier en compétition officielle avec son Plaire, Aimer et courir vite que je n’avais pas vraiment aimé).
Il revient avec une ode à Paris et la crème des acteurs français. Il ne m’en faut pas plus pour tomber sous le charme total de cette histoire d’amour en suspens.
Chiara Mastroiani est mariée à Benjamin Biolay depuis 25 ans. Elle s’est quelque peu lassée du quotidien routinier qui s’est installé entre eux et le trompe avec ses étudiants. De jeunes hommes aux patronymes particuliers. Chacun ses fantasmes.
Un soir, alors qu’il le découvre, elle décide de passer la nuit ailleurs pour faire le point. Elle se réfugie alors dans l’hôtel face à leur appartement et prend la Chambre 212. S’en suit une nuit de fantasmagorie et de rêves durant laquelle elle va revoir son mari au moment de leur rencontre (génial d’espièglerie , mais également ses ex et sa conscience.)
C’est doux et tendre, exactement comme un conte qui nous emporterait alors vers une douce nostalgie. Les acteurs fonctionnent parfaitement ensemble à commencer par Chiara que je n’avais jamais vu aussi bonne.
C’est foutraque, par moment touchant mais aussi vénéneux et tendre. C’est surtout ludique et plein de charme. On aime se perdre dans ce labyrinthe du temps au sein duquel on croise alors ses Idoles récemment rencontrées à l’Odéon.
Honoré revient alors à ce qu’il fait de mieux : filmer l’amour d’un homme et d’une femme dans un Paris rêvé et idéalisé. La romance est à son comble. La romance un peu délétère, la romance qui a besoin d’un coup de chiffon, la romance qui demande un brin de renaissance, un coup de fouet.
C’est frais et léger mais ça prend au cœur car ça dit les dérives du temps qui passe.
Voir cette femme regarder sa vie en vue plongeante fut d’une douceur exquise. A l’image de cette musique fredonnée à la fin du film par celle qui incarne la seconde chance.