Ce J 2 débuta en salle Debussy : ma salle de projection préférée après le GTL (Grand Théâtre Lumière)
Et quel ne fut pas mon plaisir de découvrir le nouveau film de Monia Chokri. Eternelle adepte du cinéma de Xavier Dolan, ses films m’ont toujours quelque peu laissée sur le côté. Souvent un peu trop chichiteux, excentriques et loufoques.
Simple comme Sylvain de Monia Chokri, présenté dans la sélection Un Certain Regard
Elle semble ici trouver le parfait équilibre pour dire le couple, ses réalités et sa difficile et délicate tenue au fil des ans. Elle trouve ici, également, un parfait écrin pour dire ses engagements féministes et avant tout humains. C’est surtout pour cela que le film m’a plu.
Il est léger, sous couvert de montrer la réalité humaine qui veut que deux êtres se rencontrent de prime abord via une attirance commune. C’est d’abord cet amalgame d’énergies… une histoire de chimie en somme. Le corps seul parle, le cerveau suit.
Sa façon de mettre le doigt sur cette réalité est tout à la fois drôle et touchante. Voir cette intello qui ne se laisse guider que par sa réflexion (croit-elle) tomber dans les bras de cet ouvrier en bâtiment, lui même adepte d’une vie vécue non pas forcément au jour le jour (il a des envie de couple et se projette) mais vécue « au feeling », de façon simple. Il est pragmatique et bon vivant, lorsqu’elle passe son temps à juguler ses désirs.
La rencontre du feu et de la glace. Du coeur et de la raison.
La réal nous livre ici un film dont le désir qui unit les personnages ne cesse d’être redéfini. Rien n’est jamais linéaire ici et c’est ce qui donne toute sa saveur à ce film. Les rapports de domination (quelle horrible façon de dire les choses !) sont très bien exprimés et illustrés. Il est évident que nous avons tous intérêt à aspirer à aimer qui l’on souhaite, comme on le souhaite… mais la vie et ses codes sociaux nous ont bel et bien imprégnés et nous sommes tous comme abîmés par les biais que ces codes charrient avec eux.
La conclusion du film est dure. Ardue et piquante. Elle a le mérite, je crois, malheureusement, de mettre en lumière la réalité du couple dans nos sociétés qui nous obligent à une certaine forme d’assujettissement.
Reste un film fort qui montre et permet de ressentir le désir, et la puissance charnelle et l’envie.
Black Flies de Jean-Stéphane Sauvaire, présenté en compétition officielle
Soit l’archétype du cinéma vérité. Filmé à l’épaule. Implacable.
Au coeur de New York, Ollie Cross (Tye Sheridan) est un jeune ambulancier, étudiant en médecine. Il fait équipe avec Rutkovsky (Sean Penn), un urgentiste expérimenté.
Tous deux sont confrontés, chaque jour à l’extrême violence de la rue.
C’est fort et le film m’a comme engloutie dès le 1er quart d’heure. Nous sommes embarqués à leurs côtés. Indéniablement, il y a une force et une puissance narrative mêlée à une technique filmique bien rodée.
Seulement, le film ne fait pas dans la dentelle (pourquoi le ferait-il, il vise à donner à voir la réalité du terrain) et m’a finalement lassée. Ce n’est jamais anodin d’être le témoin de tant de violence et de douleurs.
Le cinéma vérité jusqu’à la nausée. Pas tant pour moi.
La règne animal de Thomas Cailley, présenté en ouverture dans la sélection Un Certain Regard
Thomas Cailley m’avait totalement embarquée dans son histoire de fin du monde qui mettait en scène une Adèle Haenel plus puissante et douce à la fois, que jamais.
C’est avec un immense plaisir que j’ai découvert son second long métrage. Et il n’est pas sans dire qu’il transforme l’essai avec brio.
Quelle poésie que ce nouveau film sur la mutation. La mutation humaine. La mutation de l’ensemble du vivant.
En voilà un film multiple !
On peut alors y voir une métaphore sur l’adolescence. C’est en tout cas une quête que ce film. Un chemin vers l’acceptation de soi et de l’autre.
C’est également un film sur l’écologie – très finement mené – qui dit l’urgence qui est la nôtre, de retrouver le lien avec la nature environnante.
On peut encore y voir un film sur l’acceptation de l’étranger, de celui qui est différent.
Car oui nos sociétés évoluent. Les choses, les espèces, nous mêmes sommes en mutation permanente. Rien ne se voit vraiment de prime abord, les choses peuvent etre pernicieuses. Et un jour, le changement est là, sous nos yeux et il nous faut vivre avec, s’adapter, se remettre en question, sortir de sa zone de confort.
Le film est tenu de main de maitre par un Romain Duris touchant au possible en mari esseulé et en père aimant mais dépassé mais qui souhaite transmettre coute que coute.
Paul Kircher est quant à lui sublime de naturel, de pureté. Son élocution est superbe je trouve !
La scène d’ouverture dit déjà tout du sujet du film et mêle banalité du quotidien (pas si banal que ça) et fantastique, avec brio.
Un bonheur de cinéma !