Un duo d’amour,
Un duo d’amitié,
Une femme et ses filles,
Une famille.
Une affaire de troupes…
D’emblée l’atmosphère nous semble étrange. Vincent est au bureau tout affairé – il travaille dans une agence de publicité – lorsqu’un collègue tente de le poignarder avec un stylo, lorsqu’un autre l’assomme avec l’aide de son ordinateur.
Ambiance !
Vincent doit mourir de Stephan Castang, présenté à la Semaine de la critique
Ce que je retiens de ce film haletant, c’est déjà un duo. Celui formé par Karim Leklou, qui me plait de plus en plus, film après film, et de Vimala Pons que je découvre véritablement avec ce rôle.
Quelle belle façon de dire le couple, la difficulté de collaboration / cohabitation qui lui est afférent.
Le film, qui joue avec les codes du film de genre, dit aussi ces pulsions féroces et mauvaises qui nous habitent dans un environnement de plus en plus nocif.
Si le film ne se veut pas négatif – il ne l’est à aucun moment – il a le mérite de parler vrai et de donner une vision sans faux semblant de cette société qui est la notre et se trouve être de plus en plus violente, vile.
Il dit aussi cette perte de repères qui enfonce les gens dans des abimes de doutes, de mal être, en proie à des comportements brutaux et colériques vis à vis de leurs comparses.
Au coeur même de ces profondeurs resterait alors le couple, ce binôme formé par une forte dualité unie : seul rempart contre la violence alentour.
Omar la fraise, réalisé par Elias Belkeddar, présenté en séance de minuit, hors compétition
Omar la Fraise est un bandit à l’ancienne. Il ne quitte jamais son acolyte de toujours. Son ami, son fère.
Et le film mise justement tout sur ce duo interprété par Reda Kateb et Benoit Magimel, tous deux excellents dans leur rôle respectif. Un réelle unité, amitié se dégage de ce film. Elle donne tout son sel à cette affaire de voyou par ailleurs réjouissante mais qui ne réinvente jamais les codes du film de gangster.
Reste Alger, filmée avec verve et amour. Et cette jeunesse pleine d’envies, de rêves et de fougue. Qu’elle est belle !
Les filles d’Olfa de Kaouther Ben Hania, présenté en compétition officielle.
Si ce film vaut par son dispositif, je dois avouer que le fond ne m’a pas transporté. Et ce film m’a fait au final comme l’effet d’un soufflet qui serait retombé trop vite.
La réal du vrai film est là face à nous. Une façon de procéder déjà intrigante en soi.
Puis c’est au tout de l’actrice de se présenter face caméra, les yeux plongés dans les notres.
Il est clair que nous sommes face à un film documentaire.
Si le but recherché est alors de nous plonger au plus près et au plus vrai de cette affaire familiale, c’est en fait l’inverse contraire qui s’est produit. Cette volonté de retracer le passé par le biais du docu fiction m’a éloignée des personnages.
La réalisatrice semble avoir convoqué cette femme, deux de ses filles et des actrices professionnelles (ou non d’ailleurs, je ne sais pas vraimenr) et met en place ce dispositif de cinéma dire, montre même, l’histoire d’Olfa et ses filles. Une histoire d’islamisme religieux qui divise les familles et fend les coeurs et les âmes.
Il est alors tout à la fois questions de tradition, de transmission, d’amour, d’écoute, de partage. Et de sororité. De ces mondes ou le masculin décide et dirige encore mais où le féminin, tient une place prépondérante.
De l’apprentissage, encore ténu, de la mixité, du bien vivre ensemble.
The Zone of Interest de Jonathan Glazer, Grand Prix
Lorsque le cinéma m’attrape…
Ma plus forte expérience de cette édition cannoise.
Sans même savoir ce que j’allais voir, ce film m’intriguait. Le nom de son réal et ce film que je n’ai pas vu mais qui fait beaucoup parler de lui et charrie avec lui un imaginaire assez impressionnant : Under the skin. Je savais que cette projection ne serait pas banale.
Ce film fut donc le quatrième de ce J3. Ce sont donc pas mal d’images qui se mélangent dans la tête et tout autant de sensations.
La lumière s’éteint. Le Carnaval des animaux retentit. Le film débute.
Déjà, cet écran noir m’intrigue. Il ne bouge pas, trois minutes durant. Accompagné d’un sourd fond musical. Le réalisateur instaure une tension. Une atmosphère particulière.
Malgré tout, au début, je ne suis pas véritablement dedans.
Et puis soudain, je bloque. Je veux comprendre. Où suis-je ? Qui sont ces gens ? Si je comprends qu’il s’agit de la famille d’un officier nazi, je ne réalise pas dans quel cadre le film s’instaure ni même ce qui se trame.
Et puis je sursaute. J’ai saisi. Ce sont au final les bruitages (excellent travail réalisé au niveau du son) et quelques éléments alentours qui font que la réalité me saute aux yeux. Ce qui se trame est hors champs. Tout près mais très loin. Le film traite son sujet (la shoah) avec brio, sans jamais montrer la shoah. Il joue en fait avec notre connaissance du sujet (les images que nous avons tous vu dans les livres d’histoire ou dans des documentaires) et la puissance et la force du propos n’en est que décuplé.
Ce procédé scénaristique est d’une ingéniosité sans nom. Je bois chaque parole, je me délecte de chaque plan et de tous les moments qui font ce film. Tout est infiniment coordonné et maitrisé. Je suis emportée.
J’apprécie tout particulièrement l’insertion d’images d’animation, qui permet à l’histoire de se mettre à portée d’enfant. Cette petite fille bercée par les histoires que lui lit son père. Concrétiser et humaniser son imaginaire de la sorte est un procédé cinématographique ingénieux. Tout le film, qui n’est que mise en scène, est à l’avenant.
Ce grand film vaut pour sa démarche artistique et pour sa force de frappe. On ne sort pas indemne de The Zone of Interest, qui traite pourtant d’un sujet dont on a sans doute tout dit (sans tout voir, tant c’est insurmontable).
Enfin, au delà de cette maestria scénaristique et technique, j’aime que le réal m’ait fait détester le personnage de la mère (incarnée par la même Sandra Huller qui joue dans Anatomie d’une chute). J’ai en tête bien plus de personnages aimés que détestés et j’aime que le réal ai osé cela. Et que l’actrice ait été jusqu’où elle va pour incarner cette femme à mon sens nauséabonde, qui se laisse vivre dans son petit confort de vie, avec des oeillères bien ancrées, faisant fi de la réalité qui l’entoure. Cette réalité pourtant là, à ses portes…. Derrière ce mur.
Si elle me révolte tant, c’est bien parce qu’elle m’évoque grandement mes propres lâchetés. En cela, cette fresque historique, ce presque « thriller nazi » frappe fort. Il dit tant de nous, de notre 21ème siècle, sous couvert d’être un film historique.
De la puissante force de frappe du cinéma, au travers des âges.