Cannes n’en finit pas de faire parler de lui.
Sitôt rentrée, sitôt la (grande) Palme annoncée, que l’atmosphère cinéphile si particulière de ce festival qui m’est si cher se poursuit et nous embaume encore de ses parfums.
A Paris, comme dans d’autres villes de France, divers films issus de plusieurs sélections sont repris et diffusés.
C’est ainsi que Le Louxor va projeter au cours des prochains jours les principaux films de la sélection officielle parmi lesquels Anatomie d’une chute (la palme donc, attention, la séance est déjà complète…) le Breillat, Hausner et d’autres.
La Cinémathèque française se réserve, elle, la joie de reprendre la sélection de la Semaine de la critique (des premiers films). L’Arlequin et le MK2 Quai de Seine (et si je ne m’abuse le Reflet Medicis) : Un certain Regard (dont je vais vous parler). La Quinzaine – désormais « des cinéastes », pour plus d’inclusivité – est reprise au Forum des Images.
Rien à perdre de Delphine Deloget présenté à Un Certain Regard
Sylvie vit ici sous les traits d’une Virginie Efira aux traits tirés. Elle est pleine de vie mais l’on sent qu’elle se débat. Elle travaille de nuit dans un bar et élève seule ses deux enfants dont l’un est un jeune homme et l’autre encore un enfant.
Ensemble, ils forment une famille très soudée à laquelle il manque peut être une certaine forme d’équilibre. Si tant est qu’il soit possible de trouver cet équilibre. C’est ce que dit le film.
Il est possible d’aimer, mais de ne pas pouvoir protéger comme il faut. D’être en mesure de subvenir à tous les besoins matériels et physiques d’un enfant – mais de ne pas l’aimer convenablement. Toutes les formes de parentalité, d’éducation… existent. Il n’y en a pas une qui soit meilleure qu’une autre. Il incombe à chaque parent de faire de son mieux.
Une nuit, Sofiane se blesse grièvement alors qu’il est seul à la maison. Un signalement entraine alors le placement de l’enfant et c’est le début d’une lutte contre la machine administrative et judiciaire française qui malheureusement ne fait pas dans le cas par cas.
Si le film est dense, c’est pour mieux illustrer les diverses facettes de la vie de cette famille.
Je suis passée par diverses émotions, fortes et parfois contradictoires. Comment est-il seulement possible de retirer la garde à cette mère pleine d’amour et d’intérêt pour ses enfants ?
Suffit-il alors d’un seul moment de tension ou d’inatention pour que la justice s’en mêle ?
A quel prix peut-on alors protéger un enfant ?
Le sujet n’entraine pas de réponse toute faite. Il demande une extrême prudence et mériterait, comme je l’évoquais en début d’article, de mesure les choses au cas par cas. Ce qui n’est pas vraiment possible lorsqu’il est question de convoquer l’administration française.
Virginie Efira est à nouveau impériale dans le rôle de cette mère fatiguée et dépassée par les événements mais prête à se battre comme une lionne pour ses enfants.
Elle vit et porte en elle cette rage, cette puissance d’amour. Pas de fioriture, pas de réflexion poussée, Sylvie est de celles qui vivent au jour le jour, sans véritablement penser à demain, sans pour autant se laisser vivoter, elle subit en partie les réalités du déterminisme social qui la forcent à garder son rang, à rester à sa place en fait.
Elle forme avec ses deux enfants dont l’un est interprété par Felix Lefebvre que j’ai découvert dans Ete 85 de Ozon un trio qui s’épaule quoi qu’il en coute. Le grand tient parfois un ersatz de rôle parental paternel, à un moment de sa vie où il se trouve à la première croisée des chemins : celle du choix de son futur métier.
Le film est alors tout à la fois tendre et âpre. Il fait mal par endroit mais prouve que l’amour résiste à tout.
How to have sex de Molly Manning Walker, Grand Prix Un Certain Regard.
Il est question de rite de passage dans ce film.
Si le film m’a déçu par sa façon de traiter le sujet du consentement, j’ai été happée par ailleurs par son esthétique et son envie de dire, de montrer la fougue d’une jeunesse en pleine émancipation.
Mais quel dommage qu’un film si festif soit si plat !
How to Have Sex suit trois jeunes amies qui se rendent en vacances après avoir passé leurs examens de fin d’année.
Leur unique but ? Faire la fête ensemble et vivre fort !
L’une d’entre elles cherche à perdre sa virginité mais les choses vont mal tourner.
Le film pointe sa focale sur l’aspect excessif de ces vacances où l’alcool coule à flot, où l’on va de soirée en soirée – pour aborder les questions graves du consentement et du viol.
Ces scènes, la réalisatrice ne les filme pas. Elle se concentre sur les émotions de sa jeune héroine que l’on voit alors passer d’un état de liesse à celui de quasi dépression. Sa tristesse est (bien naturellement) constante.
Si je comprends bien évidemment l’importance de dire la violence imposée à certaines jeunes femmes sous couvert d’ambiance festive et estivale, je comprends moins la façon et le dispositif employés pour le dire. La platitude du niveau de dénonciation est ici totale à mon sens, pour un sujet majeur quant on sait les conséquences qu’il aura sur la vie entière de cette jeune femme.
Pour moi l’archétype du sujet clé mal amené.