On a d’abord pensé que c’est Hollywood qui allait sauver le cinéma, alors à un moment charnière de son existence depuis les fermetures successives liées au COVID.
Mais le résultat n’est pas au niveau escompté. Un James Bond qui déçoit quelque peu, un Dune qui plait aux puristes mais pas tant au grand public… Des éternels qui n’enflamment pas plus que ça.
Et voilà que débarquent dans les salles françaises un film finnois d’une heure quarante sept (ras le bol des film qui durent plus de 2h30 sans apporter quoi que ce soit « de plus ») qui fait salles combles et porte en lui la simplicité qui manquait à nos vies de cinéphiles et d’hommes et de femmes enclins à rechercher la douceur, la tendresse, le rire et la joie.
Le salut du cinéma ne se cacherait donc pas dans les effets spéciaux et autres scénarios alambiqués ? Il semblerait qu’il ne niche dans le réalisme d’une rencontre entre un homme et une femme que tout oppose.
Lui le rustre, elle la solaire. Lui le russe en déplacement à l’autre bout du pays pour se dégoter un petit boulot saisonnier, elle, l’étudiante finnoise, pour découvrir un lieu de pèlerinage archéologique.
Le choc des cultures. Mais surtout la rencontre de deux solitudes.
Et l’on assiste alors à la cohabitation de ces deux humains amenés à partager un compartiment couchette dans ce train qui file à travers une Russie enneigée. De l’incompréhension liée aux habitudes de chacun en passant par les limites de la langue, les premiers moments partagés ne sont pas fluides et les provocations vont bon train. Mais la magie de la rencontre opère alors. On ne saurait trop dire à quel moment le déclic se fait, est-ce lors de ce diner au wagon bar, ou bien lorsqu’elle le voit glisser sur les rails alors qu’il fait l’idiot en claquettes chaussettes dans la neige lors d’un arrêt en gare, ou encore lorsqu’elle se fait dérober sa caméra : vestige de son histoire passée à laquelle elle ne veut pas encore renoncer… On ne le sait pas trop car ces choses là sont de l’ordre de l’infime.
Ce qui est certain c’est que la magie opère pour nous aussi qui sommes témoins de la formation de ce duo, du rapprochement de ces deux humains qui se libèrent finalement au contact l’un de l’autre.
De ces rencontres qui nous font nous connaitre, nous découvrir et finalement fermer des portes et avancer.
Voilà longtemps que je n’avais pas vu des acteurs aussi bien filmés. Lui d’abord renfrogné s’avère capable d’une délicatesse maladroite mais sincère et c’est alors que son visage s’éclaire. La caméra parvient à capter toute l’humanité et la douceur de son être. Elle naturellement solaire, s’émancipe d’un passé et de cette amante qui l’avait mise sous sa coupe et ses yeux brillent alors de plus en plus. Sous leur mille couches de vêtements, on les sent alors tantôt frêles, exposés aux duretés d’un monde extérieur qui ne fait pas de cadeau, tantôt emmitouflés et prêts à en découdre : ces vêtements alors comparables à ces couches de protection, à une carapace, qu’ils se sont tous les deux créés pour se protéger des difficultés existentielles du monde qui les entoure.
Voilà longtemps également que je n’avais pas tant apprécié une séance de cinéma. La salle, comble donc, réagissant au film comme rarement, touchée semble t-il par ce qui se tramait sur l’écran blanc de ce cinéma. L’humour qui régit le film notamment par le prisme du personnage masculin, à côté de la plaque, mais tellement touchant… fait réagir. Je ne suis pas prête d’oublier les émotions vécues et ressenties. De cette expérience commune partagée avec des gens à côté de qui l’on est assis dans une salle, dont on ne sait rien et qu’on ne reverra sans doute jamais. La bande son y est également pour beaucoup et l’idée de sortir du placard le vieux tube Voyage Voyage de Desireless est une riche idée. Et je l’écoute en boucle depuis !
Et puis au final on réalise que ce qui compte, ce n’est plus tant les traces de l’Histoire que l’on était venu chercher mais ces quelques mots et ce dessin griffonnés sur une feuille de papier qui alors, valent plus que tous les trésors du monde, et réchauffent le coeur et illuminent le visage tel un rayon de soleil salvateur.
Jamais un film aussi enneigé ne m’avait donné une telle sensation de chaleur. De ces rencontres qui comptent, qui changent la donne et nous font avancer… vers la connaissance de nous même.
L’apprentissage de la liberté. Voyage Voyage…