Un film en noir et blanc, de surcroît muet, à l’heure où on nous rabache les oreilles avec la 3D, ça semblait être un pari fou. C’était sans compter sur le talent du réalisateur et des acteurs choisis.
Vous l’aurez sans doute compris, je vous parle ici de The artist.
Comme beaucoup je pense, j’attendais avec impatience la sortie de ce film avec tout de même une légère appréhension : ne serait-ce pas du snobisme après tout que de se farcir un film muet ?
Jean Dujardin y excelle, il dégage une énergie incroyable et joue avec une large palette d’émotions. Le film traite d’ailleurs de bons nombres de sujets parlants pour notre époque : la compétitivité dans le travail, la course à la réussite et met surtout en avant la rapidité avec laquelle on vous met sur le siège éjectable dès lors que vous n’êtes plus rentable : en d’autres termes, cette société de consommation qui fait de nous des produits consommables, comme les autres.
The artist c’est un film dans un film et c’est cette mise en abyme même qui nous offre le vrai spectacle. Comme Tarantino et son Inglorious Basterds d’il y a quelques années, The artist est avant tout une déclaration d’amour au cinéma.
Une déclaration à tous ces gens qui sont sur les plateaux et qui font des films, y compris les techniciens grâce à qui nous voyons des petits bijous et vivons des instants de magie. Instant de magie justement lorsque, pendant une scène clé du film (lorsque Peppy Miller / Bérénice Béjo arrive à temps pour sauver George Valentin / Jean Dujardin) et que la musique s’arrête : là plus aucun bruit, j’entends le bruit de la bobine qui se déroule dans notre salle… Instant magique qui me rappelle que j’ai la chance de pouvoir vivre de tels moments grâce au cinéma, où je ne viens pas « juste » pour regarder / consommer un film mais pour y vivre une réelle expérience.
Quel autre film aujourd’hui nous permettrait de vivre pareil instant ? En cela, The artist réussit le pari de nous faire ressentir des émotions fortes et inhabituelles.
The artist c’est un peu un anti Woody Allen (que j’adore !) où les dialogues font tout. N’ayant pas de dialogue auxquels nous rattacher, tout est primordial : de la tenue du l’acteur, à sa façon de se mouvoir en passant par les décors et bien sûr la musique qui tient un rôle plus que principal. C’est en grande partie la musique qui « dicte » nos émotions – la musique, ou le silence d’ailleurs, comme la scène que je mentionnais plus haut.
The artist est une réelle expérience. Ce film nous place seul face à l’écran et nous donne à réfléchir quant à la richesse qu’il dégage.
L’histoire d’amour digne des plus grands classiques du cinéma n’est pas étrangère à la grâce du film. Elle met l’accent sur l’orgueil que l’on doit laisser de coté pour être heureux et sur la difficulté que l’on peut avoir à accepter la main tendue d’une personne. Dans ce monde où il nous faut sans cesse nous adapter et cette société qui ne laisse pas de place à ceux qui ne sont plus dans le « vent », le duo et la complicité semblent pourtant être la meilleure solution.
Ce besoin de sans cesse se renouveler, de sans cesse avancer est très marqué et nous donne à réfléchir sur notre condition actuelle. Encore un magnifique exemple qui prouve que le cinéma, quel qu’il soit est toujours ancré dans nos vies et dans nos sociétés. Je parlais récemment de cette notion de « vintage »… The artist en est le parfait exemple – ce qui nous touchait hier, nous touche aujourd’hui et nous touchera demain.
Jean Dujardin avait réussi à m’extraire quelques larmes le jour où il a reçu son prix d’interprétation à Cannes – je salue aujourd’hui le grand artiste qu’il est dévenu. Il vient de nous dévoiler un sacré numéro.
Le beau, la qualité et le talent ne passeront jamais de mode – parole d’Artiste !