C’est d’abord le souvenir d’une enfance pauvre mais heureuse, au soleil. Ou est-ce le souvenir avant tout de cette mère travailleuse et volontaire espérant le meilleur pour son fils ? Est-ce encore une restrospective de la carrière du grand Pedro Almodovar, digne représentant de la « nouvelle vague espagnole », cet amoureux du Cinéma ? C’est le souvenir de cet amant, de ce premier désir entêtant, cet amour pour Madrid. Douleur et gloire c’est tout cela, ou rien du tout. C’est la somme de toutes les œuvres du cinéaste. C’est une vie portée à l’écran.
Dire que j’ai aimé le nouveau film d’Almodovar, présenté cette année en compétition à Cannes, serait un euphémisme. Nombreux sont ceux qui criaient à la Palme d’Or, je les comprends. Si tant est que l’on connait quelque peu la pâte du réalisateur espagnol, il devient limpide que cet opus est l’acmé de son cinéma. Douleur et gloire imbrique toute la sève de son œuvre pour donner vie à une œuvre hautement personnelle et totalement universelle. Il en faut clairement du talent pour parvenir à une telle réussite. Il est le seul à mon sens à tant donner de lui, stricto sensu, et à révéler par la même des histoires qui parlent à tous, qui touchent le plus grand nombre et par delà les frontières. En ce sens, il est l’incarnation du cinéma à lui seul. J’ai à ce titre aimé le clin d’oeil lorsque son personnage, son double se demande pourquoi il a tant de succès en Islande !
Le Jury ne s’y pas trompé en offrant à Antonio Banderas le prix d’interprétation masculine pour ce rôle taillé sur mesure. Pedro lui a offert l’un de ses premiers rôles dans les années 90. Antonio a ensuite fait le choix d’une carrière US et on sait que leurs chemins se sont quelque peu séparés. Les retrouvailles se sont faites plusieurs années après, et les rancœurs, sans doute, étaient là. Le réal offre aujourd’hui à Antonio Banderas, sans aucun doute, son plus beau rôle. Il dit tout avec son corps, mais surtout avec ses yeux. L’émotion, que j’ai contenue durant toute la première partie du film – les scènes durant lesquelles on voit sa mère jeune, jouée ici par la sublime Penelope Cruz, m’embuaient les yeux. Damn la présence de cette actrice dès qu’elle est sous le regard de Pedro ! Cette même émotion a rejailli plus tard et sourtout vers la fin du film alors que la caméra balaie du regard cet homme, cet acteur, ce double pour en magnifier les plus grandes qualités comme les pires moments de doute et d’égarement.
Au final, Douleur et gloire est le film d’un homme qui a pris le temps de mener sa barque, de vivre de sa passion, ancrée déjà alors qu’il était si petit, de panser ses plaies (dont certaines sont familiales), de se tromper, d’avancer, de partir, de revenir, de créer, d’aimer, de souffrir… de vivre.
Le film d’un homme sauvé par le Cinéma. Jamais jusque là je n’avais aussi bien compris la célèbre pensée de Truffaut qui disait que le cinéma vaut plus que la vie.
Absolument sublime.