Dans l’inconscient des gens, comme dans la vie, Paul est passif.
Ce gentil prof de fac, un peu sympa, pas vraiment drôle et disons le : terne, se retrouve du jour au lendemain sur le devant de la scène. La raison ? Il apparait dans les rêves des gens. D’abord dans ceux de son entourage – à commencer par l’une de ses filles – puis dans ceux de personnes qu’il ne connait pas et qui ne le connaissent pas.
Paul devient une star de la nuit ! Dans chacun de ces rêves, tous aussi loufoques les uns que les autres (le propre des rêves me direz-vous), Paul est passif. Il est là, mais n’agit ni ne réagit jamais.
Mais il est là, et en soi, cela suffit à le gratifier d’une popularité aussi soudaine qu’inattendue. Et c’est alors qu’une ex croisée au hasard lui propose de boire un café, qu’une étudiante se met à fantasmer sur lui…Cette séquence nous livre, à ce titre, une scène assez hilarante qui dit l’abime qu’il peut y avoir entre fantasme et réalité !
Quoi qu’il en soit, le type le plus banal qui soit devient alors le plus désiré et le plus désirable.
Ce film, qui navigue entre onirisme, fable et film d’anticipation est signé du même réalisateur norvégien qui nous avait livré Sick of myself, cette comédie grinçante qui racontait la déchéance d’une jeune femme prête à se défigurer pour goûter au soit disant bonheur de la célébrité. Il revient ici avec le même thème pour nous dire à nouveau les limites de cette société du spectacle qui nous englue, tous.
Naïf, le gentil prof de fac s’imagine pouvoir se servir de cette célébrité soudaine pour enfin réaliser ses rêves. Il compte bien saisir la balle au bond et publier sa thèse : projet qu’il mettait jusqu’alors de côté. Mais tout ce cirque médiatico-surnaturel va très vite le dépasser.
Ce le film nous permet un pas de recul sur la malaisance que procure le fait de scénariser sa vie via l’usage des réseaux sociaux. Une activité normalisée pour bon nombre de nos concitoyens qui étalent au grand jour tout aussi bien leur quotidien, que leurs émotions où leurs réalisations. C’est ce que fera Paul, une fois dédit de cette célébrité aussi fugace que soudaine. Et cela ajoutera du fiasco au fiasco !
Car il est question ici, avant tout, de cette fameuse cancel culture. Le réal veut mettre en lumière les limites de cette société qui t’adule un instant puis est capable de te détester dans la minute qui suit.
Très vite en effet, les rêves de ces milliers de personnes vont se transformer en cauchemars, on ne sait pour quelle raison, mais on ne connaissait déjà pas la raison des « simples » rêves… Et la chute débute. Tous mettent le gentil prof devenu idole devenue personne à abattre, au ban.
Un « rise and fall » des plus précipités qui illustre avec verve le manque d’équilibre de nos sociétés qui semblent ne plus parvenir à s’ancrer réellement, à sceller de véritables avis fondés mais simplement former une opinion légère et fluctuante, au grès des tendances et des saisons, que sais-je !
Le film part ensuite vers un aspect plus dystopique qui m’a moins parlé et marqué. Reste cette réflexion sur une société des apparences, du spectacle qui n’augure rien de vraiment bon pour une humanité déjà fragmentée et fracassée. Et un Nicolas Cage habité par le sujet et parfait dans ce rôle tout à la fois tragique et comique.
Peut-être la dernière dualité de notre époque.