Ce film vaut déjà pour son prologue. Une scène de face à face entre deux des avocats pénalistes de Goldman, et la lecture d’une lettre. Cette scène nous aspire très rapidement dans une intensité réelle et j’ai aimé que le rythme soit donné dès ces premières minutes.
Je ne saurais dire la raison pour laquelle j’ai mis du temps à voir ce film, moi qui dit depuis Saint Omer, puis répète depuis Anatomie d’une chute à quel point j’aime les films de procès. Sans aucun doute un autre signe des mes nombreuses ambivalences.
Ce film est un film de procès dans ce qu’il a de plus pur de par sa forme. Sa mise en scène est fluide et extra. La lumière est également parfaitement équilibrée. Les scènes que l’on pourrait imaginer sombre et sans grande ambition scénique ou visuelle – il s’agit donc d’un huis-clos tourné dans une salle d’audience – sont en réalité léchées et très soignées. On sent qu’une attention toute particulière est portée à l’aspect visuel du film pour une meilleure reconstitution de l’époque.
Le réal s’est refusé à réaliser un biopic, forme qu’il trouve trop banale au cinéma « quel intérêt de dérouler une vie aussi palpitante soit-elle » l’ai-je entendu dire, et je ne pourrais être plus d’accord. Pour moi, tout l’intérêt d’un film réside dans le choix d’un parti pris, du choix d’un angle qu’il convient ensuite de creuser, fouiller. C’est donc ce qu’il fait ici en se focalisant sur le second procès pour meurtre de Pierre Goldman « un insoumis, un révolutionnaire » qui se retrouve à nouveau devant la barre pour répondre de l’accusation du meurtre de deux pharmaciennes, accusation pour laquelle il plaide non coupable.
On y découvre alors un homme convaincu du bien fondé de ses actions « coup de poing » qui visent à désarçonner la police – qu’il affirme être raciste (ACAB déjà à l’époque dans les 70’s le Goldman !)
On y découvre également un homme admiré par les forces de gauche qui lui apportent tout son soutien, un homme complexe dont la cellule familiale explosa puis se reforma pour lui apporter une certaine protection dont il cherchera bien tôt à s’extirper par le biais de la fête et ses excès.
C’est un homme tout à la fois froid et très vivant qui nous apparait. Un homme dont la verve était telle qu’il était écouté, entendu, suivi par des sympathisants politiques, des étudiants. « Il a son fan club » dira lors d’une audience l’avocat de la partie adverse.
Goldman fut de ceux qui divisèrent l’opinion publique : perçu comme un traitre et un meutrier sanguinaire par les uns, comme un héros révolutionnaire par les autres. Il semblait en fait être le catalyseur de bien des peurs sociales et sociétales de l’époque.
L’acteur qui lui prête ses traits est impérial. Il frôle le jeu théâtral par instants et c’est tant mieux ! Il emploie toute sa verve, son énergie à incarner cet homme qui se veut digne et en ligne avec ses idéaux, à chaque instant droit malgré ses penchants pour la « débauche » et le crime.
Je retiens également le jeu (et la moustache) d’Arthur Harari, réalisateur reconnu, co-scénariste de la Palme d’Or Anatomie d’une chute (avec sa partenaire dans la vie Justine Triet). Il incarne avec brio le rôle de l’un des avocats de Goldman, quasi double de l’accusé. La face « droite » de cet homme qui a alors basculé du côté sombre.
En cela, sa plaidoirie finale est vertigineuse et m’a mis les larmes. Qu’en est-il de notre propre choix de vie, y a t-il alors simplement la possibilité d’un choix lorsque le déterminisme social vous accroche dès les premières minutes de votre vie ?
Là est l’angle du film, celui choisi par le réalisateur, et son film résonne alors encore plus fort. Son choix de remettre au gout du jour le parcours de vie d’un homme opposé aux pouvoirs en place, qui dit haut et fort les bassesses des institutions en place nous apparait alors d’une très forte acuité.